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Rozenn la voix des exilés et Bérengère qui préfère les Hopis

Envoyé par Pierre Jean Comolli 
Elle est-y pas gentille et humaine, la Rozenn?

[www.letemps.ch]

"Il y a Sayeed dont les mains tremblent trop pour ouvrir la porte de la chambre qu’elle lui a trouvée pour la nuit, Moohamad et son regard accusateur qui lui lance un «regarde, c’est un peu à cause de toi si j’en suis là», Jamshid qui ne prononce aucun mot, seulement des sons."

Puis il y a cet article du Monde, réservé aux abonnés et signé lui-aussi d'une femme. Un article qui nous raconte qu'être au milieu des dames Hopi d'Arrizona, eh bien d'après Bérengère c'est quand même aut'chose au niveau du vécu... [www.lemonde.fr]
Utilisateur anonyme
14 janvier 2017, 11:06   Re : Rozenn la voix des exilés et Bérengère qui préfère les Hopis
"Aider semble ancré dans son ADN. Pourtant, elle délaisse ce mot et préfère parler d’échange..."

Puté mais qu'est-ce que c'est bô !!!!! Comment ne pas se sentir l'âme d'un minus ou d'une prostituée lorsqu'on lit un truc pareil... ?
Ouais, respect car elle au moins elle oublie pas qu'on est tous des sacs d'atomes, par rapport aux autres j'veux dire. Et ça contre la haine, je trouve que c'est bien et humain. En plus, ça a toujours été la tradition française d'accueillir des étrangers qui avaient fui la guerre dans le pays dont ils viennent... Bref, merci Bérengère pour tt c'que vous faîtes!!!!!!!!!!
15 janvier 2017, 15:13   Suite dans les idées
Crochus, les atomes ; d'ailleurs le début de la fin de la civilisation aura donc commencé, cela a été établi dans un fil voisin, avec la redécouverte de Lucrèce, lui-même colporteur de la notion de clinamen, par quoi ces mêmes atomes s'écartèrent du stérile et rectiligne "chacun pour soi" pour s'agréger et former la matière œcuménique ; tout se tient.
Dans le Monde des Livres daté d'aujourd'hui :

"Blandine Rinkel

A bonne distance

Elle est l'auteure d'un premier roman, " L'Abandon des prétentions ", inspiré par sa mère et son accueil inconditionnel de réfugiés, immigrés et gens de passage. L'occasion de dire quelle place politique on peut aujourd'hui occuper, quand on a 25 ans



Ce n'est qu'au bout de quelques minutes que l'on s'en rend compte : Blandine Rinkel reste soigneusement à bonne distance, à l'image de la narratrice de son livre, portrait d'une mère toute jeune retraitée de l'éducation nationale, Jeanine, qui reçoit le monde entier dans sa cuisine quand elle ne l'aborde pas dans les rues de sa ville de Rezé (connue des admirateurs de Le Corbusier : il y a bâti la Cité -radieuse – le hasard fait bien les choses).

Au début, on croit à une forme de vigilance. Ne lâche-t-elle pas, à peine assise, qu'elle se " méfie beaucoup de la répétition " ? Et de se reprendre, de se corriger, de commenter ses réponses et les mots qu'elle choisit, sans cesse. Trop de bavardages, trop d'entretiens autour de son premier roman, trop de mots qui reviennent, elle " regrette " d'avoir à " redéplier du langage là où - elle - en - a - déjà déplié ". Ici, elle tient le compte du nombre de fois qu'elle emploie le verbe " bâcler " ; là, elle nous précise qu'elle a déjà raconté telle ou telle anecdote ailleurs – au point de ne plus savoir si elle est vraie. Pourtant, elle cherche encore une fois le mot juste, celui qui peut dire une réalité " tellement incohérente, tellement foutraque ". On a l'impression d'un discours exemplaire sur les notions de reprise et de répétition, d'un impromptu kierkegaardien qui dirait beaucoup de son roman et -d'elle-même. Et pourtant pas trop, toujours dans l'écart.

Car au moment de chausser ses lu-nettes d'écrivaine, Blandine Rinkel, née en 1991, musicienne, journaliste et probablement bien d'autres choses, sait instinctivement qu'il ne faut ni s'approcher trop près, ni laisser trop son sujet s'éloigner. Rien de flou, en effet, dans le portrait de Jeanine, malgré toutes les rencontres et toutes les histoires – charriées par la narration comme autant de taches de couleurs, de coulures et de coups de pinceau. Un portrait justement né du -désir répété de sa mère d'aller vers ces autres qui ne lui ressemblent pas : damnés de la terre, marins d'Ukraine ou migrants de Syrie, chats errants d'ici et d'ailleurs.

" J'écris tout le temps, tous les jours, j'ai l'impression de perdre ma journée si je ne réussis pas un paragraphe… ", commence Blandine Rinkel. Elle s'interrompt, elle n'est plus sûre de cette première saynète qu'elle a écrite, puis postée sur Facebook : " Je crois que c'est celle qui arrive en deuxième position dans le livre, quand Moussa, l'ami syrien de ma mère, raconte comment il a été torturé en prison. Pendant ce temps, ma mère lui fait des crêpes. " L'anecdote fait réagir, on lui écrit de nombreux messages, d'autres histoires font écho à la sienne. " Je me suis dit que je tenais quelque chose qui me dépassait, moi et mes petites problématiques littéraires. " Elle commence par collecter les différents récits nés des rencontres de sa mère, le portrait de celle-ci vient après. Puis, progressivement, entre toutes ces vies (" Des vies qui se présentent comme celles des vaincus, des vies minuscules, périphériques "), elle met un peu d'elle-même : " Je n'allais pas faire comme si je ne la connaissais pas. " Mais juste ce qu'il faut, cependant, pour que la -narratrice reste au second plan. A bonne distance, encore.

Polie, elle précise, comme pour nous éviter de chercher : " Le complexe culturel de la petite provinciale qui monte à Paris – c'est quelque chose que j'associe à ma mère, quelque chose par rapport à quoi ce livre me permet de prendre du recul, aussi. " Elle s'arrête, sourit et embraye soudain : " Vous savez, ce n'est pas mon vrai prénom, Blandine. Mon vrai prénom, c'est Maeva. J'ai changé après un cours de philosophie sur le déterminisme. Blandine, c'est mon second prénom, celui que ma mère avait choisi. Maeva, c'était mon père. J'ai l'impression que ce livre me réconcilie avec Maeva. " Le lecteur aussi. Plus largement, son roman prend le parti de ceux dont il parle, même si la narration demeure effectivement distanciée, presque froide, au risque de passer pour cynique ou naïve. Elle s'anime : " On m'a dit que c'était un livre de bons sentiments. C'est fou comme c'est un -cliché qui persiste… On ne fait pas la littérature avec de bons ou de mauvais sentiments – juste des sentiments. Complexes. "

A nouveau, on a l'impression qu'elle se méfie. Dès qu'on aborde la lecture poli-tique de son livre, Blandine Rinkel se -dérobe, prudente. Enfin, elle évoque -Marielle Macé : " Dans Styles - Gallimard, 2016 - , elle revient sur l'imagination politique. Il y a d'autres vies que la nôtre. En ce qui concerne les réfugiés, si on imagine que ces vies-là existent vraiment, on ne peut pas les laisser crever. Je crois que ce livre veut donner des aperçus de vies pour montrer que ces réfugiés syriens, ces marins ukrainiens, vivent vraiment. Pour moi, il est assez évident que je suis en empathie forte avec eux. " Même quand il s'agit de ce jeune homme croisé chez Emmaüs qui, soudain et opportunément rallié à l'organisation Etat islamique, insulte copieusement sa mère dans son roman.

Elle hausse les épaules avec un rictus : " Du coup, j'ai l'impression que mon point de vue n'a aucun intérêt. Mon truc, c'est de décrire des vies. " Blandine Rinkel est pourtant membre du collectif Catastrophe, récemment auteur d'une tribune raisonnablement politique (dans Libé-ration, le 22 septembre 2016). A la question de savoir " que faire " quand on est né après " la fin de l'histoire ", Catastrophe osait cette réponse (assez kierkegaardienne) : " Renaître comme il nous plaira. " Mais la jeune romancière esquive le sujet, ce sont deux choses -différentes.

Alors, elle revient sur la question des réfugiés (sans qu'on l'y invite) : " On ne peut se permettre de la bâcler. Je n'arrête pas de répéter ce mot… Quand on a un déficit d'imagination, justement, ou quand on s'arrange avec son imagination, on la bâcle, on la règle très vite. Les mots ne correspondent pas… Dans mon livre, je voulais les montrer. Et pas seulement comme des victimes, mais donner d'eux une image complexe, parce que c'est ce qu'ils sont. Ma mère le fait sans s'en rendre compte, sans aucune idéologie. " En fait, c'est du discours politique, figé, sans imagination, répétitif, que Blandine -Rinkel avoue beaucoup se méfier. " Je ne voulais pas qu'il y ait d'affect sur ce sujet. Je voulais décrire ces personnes avant tout. " Et sa distance narrative de prendre un tout autre sens.

Dans L'Abandon des prétentions se glisse à l'occasion un mot rare, précis, au milieu d'un phrasé par ailleurs sobre et élégant. En écoutant Blandine Rinkel, on se rend compte qu'elle parle comme elle écrit. Ainsi, s'agissant de " ce mot pas mal que j'ai découvert récemment et qui correspond, je crois, à mon propos : “occhiolism” " (à l'anglaise). Elle explique : " C'est la conscience très exacte de la place que l'on occupe dans l'univers, de sa vraie place, sans fausse modestie. " Le centre du monde est partout, et pas seulement dans la cuisine rose de sa mère de papier. Pourquoi employer ce mot plutôt que de l'expliquer, comme elle vient de le faire ? – " C'est un mot que je trouve assez stellaire. Ample. C'est une manière de parler de quelque chose de petit et de laisser miroiter plein d'autres vies possibles. "

Elle s'excuse d'être " cafouilleuse ". Le lendemain, elle répète ce mot dans un courriel : " cafouilleux ". Ni trop près, ni trop loin, voir juste, " se contenter de décrire ", tout tient à cette distance si rigoureuse en toute chose – qui est aussi une esthétique et une morale. Un pas de côté et l'on cafouille. On dirait une chanson : comme un oiseau sur son fil, Blandine Rinkel tente d'être libre à sa façon."
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