Le site du parti de l'In-nocence

Une pensée pour l'accenteur mouchet

Envoyé par Francis Marche 
Je ne cite jamais le journal Libération, sauf ici:

[www.liberation.fr]

Les oiseaux, je l'apprends tous les jours et je me le suis vu confirmer par des études menées au Japon, sont les seules créatures capables (hors notre espèce), dans leur langage, d'une exploitation sociale du rapport signifiant-signifié.

Certains oiseaux avertissent leurs congénères, par des codes sonores inscrits dans leur pépiement, de la présence alentour d'un prédateur. Mais cela n'est rien: j'ai appris tantôt que certains oiseaux chétifs (des juvéniles, des handicapés et des moins que rien) pour accéder à la pitance commune, signalent fallacieusement aux dominants, en usant du même code, l'approche d'un rapace pour mieux se ruer seul sur l'offre alimentaire. Comme pour Pierre et le Loup, cela marche une ou deux, voire trois fois de suite, avant que la communauté des congénères ne se juge dupe et sévisse contre le petit malin affamé.

Toute une théorie existe (cf. les ouvrages de Rémy Chauvin) qui défend le fait que l'Homme serait, par son comportement social, son intelligence sociale, tout aussi proche, sinon plus, de l'oiseau que du singe.

L'oiseau est un singe volant, et, possiblement, pensant. Je ne sais s'il faut en rire ou s'en inquiéter. Personnellement, entre le singe darwinien et l'oiseau, je vote pour l'oiseau.
Un ouvrage majeur de Rémy Chauvin sur l'énigme aviaire:

[www.amazon.com]
02 juin 2021, 17:36   Tête d'oiseau
Il me semble que j'avais lu quelque part que les rats le font aussi : ils envoient des éclaireurs, ont des guetteurs, se repassent les bonnes adresses ; me souviens également d'une classification audacieuse d'un écrivain (Echenoz ?) selon laquelle "les pigeons sont les rats de l'espace." Il n'en reste pas moins que le rat me semble être beaucoup plus futé qu'un pigeon, qui fait l'effet d'une bestiole stupide, encore que certains perroquets (cf. le fameux Alex) soient réputés être plus intelligents que les indigènes humains alentour.

L'on s'est servi aussi des volatiles comme dérivatif au taedium vitae...


La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !

...

Stéphane Mallarmé - Brise marine
02 juin 2021, 17:56   Re : Tête d'oiseau
Oui, mais ce qui est remarquable, tout de même, c'est que le langage ornithologique module le sens par des modulations du son, comme chez les humains. C'est cet usage signifiant-signifié dans le langage articulé (ce qui va au-delà des sons codés simples comme le sont les appels nuptiaux, les cris d'effroi, d'alarme, etc. ) qui est très troublant. L'oiseau pourrait être la seule créature avec l'homme capable de verbaliser des mensonges par stratégie, en articulant du discours fallacieux. Cela va plus loin que, par exemple, la stratégie de l'oiseau-pilote qui guide les hommes vers un fruit à coque qu'il ne peut ouvrir par ses seuls moyens.

L'oiseau ment par calcul en usant de son ramage. A côté de lui, le renard n'est qu'un primaire.
02 juin 2021, 18:01   Re : Tête d'oiseau
Le mensonge signale un état social supérieur.
02 juin 2021, 21:54   Question
"Pour que le perroquet distinctement radote
Faut-il pas qu’un de nous lui coupe le filet ?"

Raymond Roussel Nouvelles impressions d'Afrique
02 juin 2021, 23:27   Réponse
Le sifflet aussi, pendant qu'on y est.


« Un galet délicat peut résumer des éphémères pris au piège d'une lampe querelleuse. »

André Caudau - Chants d'Afrique
02 juin 2021, 23:35   Du même, sur le thème
"Se fait-on pas à tout ? Deux jours après la tonte,
Le mouton aguerri ne ressent plus le frais ;
S’il peut rire, chanter, siffler, faire des frais,
C’est que le perroquet se fait vite à la chaîne." (Op. Cit)

La parodie aisée :

Se fait-on pas à tout ? Deux jours après la tonte,
Le mouton aguerri ne ressent plus le frais ;
S’il peut rire, chanter, siffler, se sentir sain
C’est que le perroquet se fait vite au vaccin.
"Un corbeau intelligent" : [www.koreus.com]

En effet, à côté, le renard, qu'on dit rusé, fait pâle figure !
03 juin 2021, 19:58   Hitch
» Personnellement, entre le singe darwinien et l'oiseau, je vote pour l'oiseau


Enfin, moi, perso, pour ce qui est d'une complicité inter-espèces possible, je pencherais quand même pour cette bonne pâte de bonobo : les oiseaux, ce sont encore des dinosaures, un autre monde...






Un autre monde qui se combine parfois à merveille avec le nôtre (voir mes corbeaux japonais).

Nous serions séparés du bonobo par une poignée de gènes... En voyant cette trogne, j'ai du mal à m'y faire.

L'homme descend du songe, plutôt (mais que devient Pierre Lembeye ?).
L'homme descend du signe, Pierre Jean.
03 juin 2021, 23:06   Bonobo mon amour
Tout semble indiquer que cette bête (mon bonobo) a une façon, peut-être rudimentaire encore, d'intériorité : plongez donc votre regard dans celui d'un corbeau : parfaitement réfléchissant, fixe, altérité radicale.
Et puis, phylogénétiquement parlant, il serait probablement plus exact de dire que le singe et l'homme descendent d'un même songe...


« Au lac de tes yeux très profond
Mon pauvre coeur se noie et fond
Là le défont
Dans l’eau d’amour et de folie
Souvenir et Mélancolie »

Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou
On avait dit pas le physique, Alain.

Si les orientations politiques d'un membre du gouvernement ne conviennent pas, il y a d'autres moyens pour l'attaquer. Vous pensez qu'on n'a pas assez d'ennuis comme ça avec la Licra ?
(c'est terrible quand on y songe : que ce soit le regard du bonobo et son illusoire "intériorité" ou l'intelligence à oeil de verre de l'oiseau, l'homme, qui est supposé être doté des deux (intériorité et intelligence), se présente totalement dépouillé de toute spécificité puisqu'il se retrouve de la sorte composé de dons épars qu'il paraît avoir empruntés à toutes les espèces. L'humain a tout piqué aux bêtes, au point qu'on peut douter de son existence véritable: il doit tout à tous et rien de ce qu'il est n'échappe au lot commun, et ce un degré de plasticité qui le dénonce comme étranger à l'ici-bas. Il est une fausse bête, semblable à chacune par tel ou tel trait et composant ainsi une espèce hors espèces, hélas et véritablement, hors-sol, hors ciel et hors océan.)
"[...] une espèce hors espèces, hélas et véritablement, hors-sol, hors ciel et hors océan;)"

Un extra-terrestre ? La conquête spatiale serait alors, bien plus que la découverte d'un ailleurs, une tentative de retour aux sources. Sans doute est-ce là un thème déjà abordé dans la littérature de science-fiction ou autre.
Non plus, Roland. La conquête spatiale, serait-elle ce que vous dites ("tentative de retour aux sources"), n'en continuerait pas moins d'être un emprunt, un signe, un renvoi aux espèces animales migratrices -- les anguilles en quête de mer des Sargasses, les saumons acharnés à remonter les cours d'eau.

Il se peut que nous ne soyons qu'un projet d'espèce, qui les singe toutes, le coucou de la création, enclin à se travestir afin de s'accaparer les ressources et les soins de familles d'oiseaux en se faisant passer pour un congénère, un lointain cousin doué pour l'imitation.

Il est possible, si nous sommes une création, fruit d'un acte transcendant, que celle-ci ne soit qu'une pure création du vivant (lui-même partie à la Création), enfantée par des virus empruntant à différentes espèces animales les briques dont nous sommes faits, de bric et de broc.

Homo sapiens est généralement un organisme très médiocrement bricolé, spécialiste de rien (pas de crocs, pas de griffe, ni ne fourrure ou d'écailles, et seulement quatre membres ridicules, qui ne sait s'envoler et à qui il faut apprendre à nager!) et qui meurt au moindre choc (une des rares créatures à pouvoir périr dans une chute malencontreuse d'une hauteur à peine quatre fois celle de son corps dressé). Il n'existe pas, rigoureusement pas, en tant qu'espèce. De ce point de vue, et dans le meilleur des cas, il ne fait que singer le singe. Tout son être n'est que Signe.
Tentative tragique de "retour aux sources de l'espèce":

[www.lepoint.fr]
Allez vous creuser la tête pour imaginer des apologues !
Redevenir l'œuf plein de la Terre à partir d'un corps sans organe... Ce type était un ardent deleuzien sous influence Artaud, il n'est absolument pas mort bêtement (sic) en voulant récupérer son portable !
Francis Marche, vous me faites rêver, et sur Internet vous êtes bien le seul !
Merci chère Euphémie, mais ce disant vous rejoignez ici les tenants du songe, quand je suis de plus en plus convaincu que l'humain, partout et depuis toujours, est tenu par le signe. Il en serait même l'incarnation -- il serait signature du Créateur et signe adressé à toute la Création, mais aussi émetteur éperdu de signes à ses semblables et, désormais (Voyager), à l'univers. Il paraît être sur terre pour signifier, signaler, signer (l'oeuvre divine) et faire signe (par la prière, entre autres) au Créateur. Même en supprimant l'hypothèse d'un créateur et d'une création, il continue, le malheureux, de prendre toute instance supérieure (sinon transcendante), qu'il appellera alors l'Histoire, l'Humanité, la Communauté des hommes, etc. à témoin de son existence.

Tel un phare, même si pour rien ni pour personne, il ne peut s'arrêter d'émettre.
» L'humain a tout piqué aux bêtes, au point qu'on peut douter de son existence véritable: il doit tout à tous et rien de ce qu'il est n'échappe au lot commun, et ce un degré de plasticité qui le dénonce comme étranger à l'ici-bas

En fait, je crois que l’intelligence du corbeau ou la proto-intériorité du bonobo ne sont remarquables qu'au regard de certaines spécificités proprement humaines, parce que ce sont des bêtes et qu'on s'étonne de les voir (très relativement) capables de ce dont l'homme se prévaut : la pensée conceptuelle, le langage, la pensée réflexive et donc la conscience.
A priori cela, ces propriétés réellement étonnantes et la maîtrise technique s'ensuivant ont fait qu'à un certain moment a émergé ce qui essentiellement échappait au lot commun, justement, c'est-à-dire au tout-venant de la nature de part en part déterminé et "conditionné", disait Kant, par ce qu'il avait appelé les lois naturelles : l'humain a la prétention folle de s'en pouvoir détacher en promouvant sa possible auto-détermination, d'où une "plasticité" ontologique qui n'est pas seulement revendiquée mais plutôt assez souvent avérée, semble-t-il.
(Tiens, je lis que la Mignon de Goethe ne parle pas mais "gazouille" un vague allemand.)
Tu parles : Giovanni Pico pratiquait le latin et le grec, bien sûr, ainsi que l'arabe et l'hébreu, mais je ne sache qu'il ait eu quelque disposition pour l'allemand...

« Je ne t'ai donné ni visage, ni place qui te soit propre, ni aucun don qui te soit particulier, ô Adam, afin que ton visage, ta place, et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même. Nature enferme d'autres espèces en des lois par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les mains duquel je t'ai placé, tu te définis toi-même. Je t'ai placé au milieu du monde, afin que tu pusses mieux contempler ce que contient le monde. Je ne t'ai fait ni céleste ni terrestre, mortel ou immortel, afin que de toi-même, librement, à la façon d'un bon peintre ou d'un sculpteur habile, tu achèves ta propre forme. »

Pic de La Mirandole, De la dignité de l'homme
En effet, cette citation de Pic contient tout un manifeste et programme: désobéir à la nature, si scandaleusement ingrate envers l'homme, c'est obéir à Dieu. Il y a là un nœud syllogique: être à Son image mais dans la désobéissance aux lois naturelles de Sa création. Mouais ... Au-delà du prométhéisme de surface, c'est un manifeste de l'élection. L'espèce élue est si autre qu'elle n'est point espèce, qu'elle est, pour tout dire un rien, une page blanche recevant, dès la conscience de soi et de son ipséité, l'injonction divine de s'auto-remplir d'écritures et d'actes susceptibles de trace.

Si cette espèce perd la civilité fondamentale du lire et de l'écrire, aucune bête ne se place, dans l'échelle des espèces, en dessous de celle-là, fausse en tout, la malfaçon incarnée.
08 juin 2021, 18:44   Ni Dieu ni bêtes
Francis, je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à faire du moindre le critère de la qualité de ce qui manifestement l'a dépassé : il faut aussi, à partir d'un certain moment, faire la part des choses en admettant que l'homme est devenu incommensurable, c'est ainsi...
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