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Article publié sur le site revue-politique.com. Cet article est reproduit à titre de document, cela n'implique absolument pas l'adhésion du parti de l'In-nocence aux thèses proposées.

 

Le cadavre de la France

par Guy Millière

 

 Je disais, voici quelques jours, à des amis qu'en franchissant l'Atlantique pour rentrer en France après avoir passé quelques semaines en Californie, j'avais eu la sensation de franchir une sorte de nouveau rideau de fer. D'un côté, le monde libre, et donc la liberté de l'information, le pluralisme politique, l'évidence claire de ce que les mots connaissance, information, vérité, éthique veulent encore dire quelque chose. De l'autre côté, la servitude grise et bornée, l'information asservie, un monolithisme politique dont s'échappent les cris vite étouffés de quelques dissidents, une bouillie mentale où les mots n'ont plus de sens et dont personne ne semble s'apercevoir.

David Frum, essayiste conservateur de renom disait d'un air stupéfait, après avoir pu visionner depuis les États-Unis une émission de la télévision française consacrée au conflit irakien : " C'est vraiment ainsi que les Français sont informés ? Dans ces conditions, le plus inculte et le plus ignorant des Américains pourrait facilement passer pour un puits de science à Paris ". Et il a raison, hélas.

On comprend qu'à trop avoir regardé le petit écran, on subisse une intoxication mentale telle qu'on puisse penser que George W. Bush, qui restera dans l'histoire, j'en suis sûr, comme un grand président, est un abruti fanatique et analphabète. On comprend qu'on soit enclin au pessimisme et qu'on s'inquiète de la suite de la guerre.

Jacques Chirac ne peut plus compter pour se sauver du pétrin où il s'est fourré que sur des difficultés pour les troupes anglo-américaines. Les journalistes français vont, bien sûr, insister sur les difficultés.

 Il y a un millier de puits de pétrole dans le sud de l'Irak, sur ce millier, les fidèles de Saddam Hussein ont réussi à en enflammer sept. Quelles seront les nouvelles ? Que sept puits sont en flamme. Le fait que 99 % des puits soient intacts est un menu détail, cela va de soi.

Dans plusieurs villes, telles Bassorah, des soldats irakiens fanatisés et appartenant, selon les données disponibles, à la garde de fer du régime utilisent la population comme bouclier humain, l'armée anglo-américaine qui, en tant qu'armée occidentale, entend faire le moins possible de victimes innocentes avance difficilement. La louera-t-on pour son humanité ? Non… On dira qu'elle piétine et qu'elle est tenue en échec, et on ne parlera pas du recours par les adversaires à la population civile en tant que bouclier humain. Si les soldats de la coalition épargnent des vies, ils ont tort. S'ils n'épargnaient pas de vies, ils auraient tort aussi. Comme c'est facile !

Dans ce pays où l'imbécillité haineuse de gauche est devenue la non-pensée unique, il n'y a plus qu'une réponse unique. Montrer le drapeau américain à un communiste dans les années cinquante, c'était le faire baver de rage, maintenant, c'est quasiment toute la société française qui se comporte comme les communistes de l'époque…

Parce qu'ils se sont conduits de façon humaine plutôt que de tirer au hasard, quelques soldats américains ont été capturés, on va insister sur ce point. On laissera de côté le fait que plusieurs aéroports cruciaux ont été pris par les troupes de la coalition en quelques heures à peine.

On prendra soin aussi, bien sûr, de placer sur le même plan les " informations " venant d'une télévision totalitaire et celles venant d'une télévision démocratique. Dans les deux cas, n'est-ce pas, il s'agit de désinformation, et qui d'autre qu'un Français pourrait en être juge, un membre de ce peuple qui a donné au monde ce grand leader génial qu'est Jacques Chirac.

Dans les rues, les manifestants conspuent George W. Bush et Tony Blair, Ariel Sharon quelquefois. Parmi eux, des nostalgiques de Staline qui, rien qu'à la moustache, ont compris depuis longtemps que Saddam était un admirateur de Joseph Djougatchvili, des antisémites tels ceux qui, parce qu'ils ont vus deux jeunes juifs au bord de leur manifestation samedi dernier, se sont précipités sur eux pour les frapper, sans que là encore les télévisions en parlent. Au point où en est la France, s'il fallait se préoccuper d'actes d'antisémitisme aux allures de pogrom, on risquerait d'énerver toute une belle jeunesse qui porte le keffieh et rêve du moment où la France sera une république islamique.

Mais vivons-nous encore en France ? Non. Nous vivons dans un appendice du Maghreb et du Machrek, dans un pays vendu depuis longtemps. Le cadavre de la France commence à sentir mauvais. Avant de l'enterrer, on pratique le dépeçage : un morceau pour les haineux de l'islam, un autre pour les haineux de l'ultra-droite, un autre pour les haineux de l'ultra-gauche, quelques os pour les charognards sans scrupule de l'archéo-gaullisme. Rien pour les autres. Vous qui avez, ancrées en vous, les valeurs de la civilisation occidentale, passez votre chemin. Éteignez votre téléviseur, ne lisez pas les journaux. Il n'y a rien à lire et rien à voir.

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