Historique de la création du parti de l'In-nocence
Textes de Renaud Camus, juin 2002
Exposé des motifs
Il y a d'abord que
je suis encore embarrassé de m'être trouvé incapable, lors du premier
tour des élections législatives, d'accomplir mon devoir électoral-incapable
de me résoudre à apporter mon suffrage à l'un ou l'autre des candidats
en présence. Ils étaient pourtant très nombreux, on ne peut pas dire
qu'on manquait de choix. Mais les partis dont ils se réclamaient m'inspiraient
tous l'indifférence la plus totale, en mettant les choses au mieux;
au pire une vive répulsion. Impossible pour moi de surmonter l'absence
complète de motif qu'il y aurait pu avoir à se décider pour celui-ci
plutôt que pour celui-là; et d'oublier les puissantes raisons de ne
pas choisir cet autre, ni bien sûr cet autre.
Quant
au deuxième tour, avant-hier dimanche, dimanche, le 16 juin, il en est
allé exactement de même. Sans doute les candidats n'étaient-ils plus
que deux, mais aucune incitation intérieure ne me poussait à soutenir
l'un ni l'autre camp, et beaucoup de prévention m'en dissuadait, dans
les deux cas. Abstention derechef.
Or
il semble bien que je sois loin d'être seul en ce manque d'enthousiasme,
ni ce dégoût. Jamais les taux d'abstention n'ont été si élevés, pour
des élections de ce type. C'est bien que l'offre, pour abondante qu'elle
soit, n'est pas encore suffisante; et que certaines aspirations du pays
ne sont pas satisfaites par les propositions qui lui sont faites; ou
que certains refus, de la part du peuple français, ne sont pas exprimés
politiquement avec assez de clarté à son goût. Dans cette manifeste
inadéquation de l'offre politique à la demande, je vois une première
raison de fonder un parti nouveau, qui saurait peut-être se montrer
attrayant pour d'autres électeurs et pour moi, et qui aurait au moins
le mérite de nous tirer de l'embarras où nous sommes de nous sentir,
à notre corps défendant, si mauvais citoyens que nous ne puissions mettre
un bulletin dans l'urne.
D'autre
part, deuxième raison, je viens de publier Du sens, et parmi
le courrier que je reçois un certain nombre de lecteurs, qui veulent
bien me signifier leur intérêt pour mes analyses, si c'est bien le mot,
en assortissent l'expression d'un regret, que ces analyses ne débouchent
sur aucune résolution, sur aucun plan d'action précis, sur nul parti
ni parti pris. « Tout cela est bien beau, demandent-ils en substance
: mais où cela mène-t-il ? » Je reconnais le bien-fondé de leurs doléances,
et me décide à les prendre au mot, et sans doute un peu au-delà.
Après tout, "Vaisseaux brûlés", autant et plus qu'un titre c'est un
projet d'existence, une façon de devise. Fondons un parti.