Éditorial n° 2. 2 juillet 2002
Echos divers. Madagascar.
Un correspondant suggère que nous prenions pour nom, plutôt
que Parti de l'In-nocence, Parti de l'Etranger. C'est assez bien
vu. Retenons cette proposition pour l'assemblée générale
fondatrice, si elle se tient jamais (nous n'avons toujours, moi compris,
que deux membres - would be members, that is...)
Ah si : je peux tout de même signaler qu'une personnalité
intellectuelle de premier plan, que par discrétion je ne m'autoriserai
pas à nommer pour le moment, s'est montrée très
intéressée par le Parti et par son avant-programme (qu'elle
n'a pas vu, il est vrai; mais que je lui ai décrit avec soin,
sans m'attarder outre mesure sur les passages les plus délicats).
Cette personnalité s'est même portée volontaire
pour le poste de ministre des Sports, si nous formons un shadow cabinet
ou bien accédons aux affaires. Un portefeuille plus important
nous eût semblé lui revenir plus naturellement, à
commencer par celui de l'Education nationale. Mais nous n'allons pas
décourager les bonnes volontés, ni les modestes dans leur
modestie.
La plupart des gouvernements du monde ont reconnu à Madagascar
le président Ravalomanana, à la notable exception de la
France, seul grand pays à n'être pas représenté
aux cérémonies de commémoration de l'indépendance,
le 26 juin. Depuis l'ouverture de la crise malgache à la fin
de l'année dernière, ni le gouvernement français
ni les grands journaux n'ont soutenu le président Ravalomanana,
qu'ils se sont obstinés à appeler de manière très
péjorative, jour après jour, "le président
autoproclamé", alors qu'il jouissait de la légitimité
des urnes. On est allé jusqu'à lui reprocher d'avoir refusé
un deuxième tour des élections présidentielles,
alors qu'il avait obtenu la majorité absolue au premier tour
et que ce deuxième tour n'était qu'une machination désespérée
du président sortant Didier Ratsiraka, clairement vaincu mais
qui refusait de l'admettre.
Cette attitude de la France et de ses médias est très
caractéristique du parti pris systématique de notre pays
en faveur des régimes en place en Afrique, même et surtout
au détriment des aspirations nettement signifiées des
peuples. Pour dilapider le capital de sympathie que lui avaient valu
quoi qu'on en pense, sur le continent africain et dans les îles
voisines, la période coloniale et la décolonisation, la
France s'est donnée un mal dont il faudra bien un jour écrire
l'histoire tortueuse. Il serait par exemple intéressant de mieux
connaître l'étrange circulation de l'argent de l'aide au
développement, et de savoir quelle proportion exacte a pu s'en
retrouver dans les caisses des partis politiques français (pas
le nôtre), en échange d'un soutien aveugle de nos gouvernements
à des tyranneaux souvent tortionnaires : ceux-là savaient
trop bien tout ce qu'on leur devait à Paris, et ils avaient trop
les moyens de le rappeler, pour craindre sérieusement de voir
la France désavouer enfin leurs exactions, et prendre contre
leur régime et contre eux le parti de leurs concitoyens. On peut
compter sur les doigts d'une main les mauvais choix que la France n'a
pas faits, en la matière, et il y aurait tout à
gagner, ne serait-ce que pour la paix de l'esprit, à savoir exactement
pourquoi. La pure et simple imbécillité est la première
idée qui vienne à l'esprit, et certes elle n'est pas à
écarter. La peur d'avoir des ennuis a joué aussi un rôle
essentiel, sans nul doute : on sait comment il procède d'elle,
en général, des embêtements dix fois plus graves,
servis sur les jolis plateaux du déshonneur.
Le Parti de l'In-nocence est lassé de voir le gouvernement de
notre pays se tromper presque invariablement dans ses choix en Afrique,
y soutenir presque toujours les forces de la régression et de
l'obscurantisme, y faire détester notre peuple et perdre à
notre culture et à notre langue le rayonnement dont elles jouissaient.
Il apporte son soutien à M. le président Ravalomanana
et lui adresse, ainsi qu'au peuple malgache, ses voeux les plus chaleureux
de réussite et de prospérité.