Une exposition antisémite déclenche un tollé
à Paris-VIII
L'Union des étudiants tunisiens se voulait propalestinienne.
Par Armelle THORAVAL
Libération mardi 01 avril 2003
Selon les uns des étudiants , ce serait le signe
d'un climat détestable profondément installé au
sein de l'université Paris-VIII, «car dans cette fac, ça
fait deux ans que l'on amalgame étoile de David et croix gammée».
Selon les autres des professeurs , l'université Paris-VIII,
située à Saint-Denis, est parfois le théâtre
de dérapages, qui ne reflètent en rien l'ensemble du campus.
Feu aux poudres.
Quelle que soit l'évaluation, une exposition temporaire organisée
de mardi à jeudi derniers par les représentants de l'Union
générale des étudiants tunisiens (Uget) a suscité
«écoeurement», «dégoût»,
«indignation» par son caractère «ouvertement
antisémite». Le contenu de cette exposition a eu suffisamment
d'impact pour que le président de l'université, Pierre
Lunel, annonce son intention de saisir le tribunal de Bobigny d'une
plainte pénale, probablement pour incitation à la haine
raciale. Le choix procédural sera arrêté aujourd'hui.
Sur le papier, l'objet administratif de cette exposition était
la «journée de la terre», célébration
du 30 mars pour protester contre l'annexion de terres palestiniennes
par les autorités israéliennes. Le directeur de cabinet
du président de l'université se souvient que les organisateurs
avaient également évoqué, par oral, la guerre contre
l'Irak. Mardi dernier, dans le grand hall d'accueil blanc de l'université
qui fait face à l'entrée du métro, les arrivants
découvrent deux rangées de panneaux. Du sang, en abondance,
des cadavres tuméfiés, l'horreur : une série de
photographies qui auraient été prises après l'assaut
de Jénine (printemps 2002) couvre une partie des panneaux. Des
clichés mis en relation avec des affiches sans ambiguïté
: de longues citations du négationniste Roger Garaudy (extraites
de Palestine : terre de messages divins), une caricature d'un George
W. Bush étranglant un Palestinien sous le rire d'un Ariel Sharon
ricanant, nez proéminent, étoile de David au revers de
la veste.
la figure du juif éternel, tel que croqué en
1941
D'autres dessins s'en prenant à «la figure du juif éternel,
tel que croqué en 1941», relate Daniel Lefeuvre, enseignant
d'histoire, l'un des premiers à avoir protesté auprès
de la présidence de l'université. Ou encore le détournement
de citations d'auteurs israéliens, alimentant la thèse
du complot juif. Pierre-Yves Chapeau, directeur de cabinet de Pierre
Lunel, fait alors prendre des photos. Le jeudi, toute discussion est
impossible, l'Uget mettant la sono à fond pour empêcher
tout dialogue. Le démontage de l'exposition s'achève avec
les cris «mort aux juifs», sous l'oeil médusé
des agents de sécurité et horrifié de quelques
étudiants.
Pétition.
Depuis hier une pétition circule pour mettre un coup d'arrêt
ferme aux menées de l'Uget. Ses représentants nient tout
en bloc. Ils n'auraient voulu qu'«apaiser les tensions»,
auraient soigneusement informé les responsables universitaires,
n'auraient pas affiché de textes de Garaudy. La direction de
l'université rappelait hier que «la communauté universitaire
ne saurait en aucune manière cautionner de tels actes qui, loin
de participer de l'esprit de paix (...), représentent un appel
à la haine raciale». Pour les représentants de l'Uget,
l'esclandre ne serait qu'une «manipulation» visant à
interdire tout débat sur le sort des Palestiniens. La justice
pièces et témoignages en main tranchera l