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Une plainte pour violences volontaires met en cause l'ambassadeur de Cuba en France

par Jean-Michel Dumay

Le Monde 28 avril 2003

 

Une manifestation de Reporters sans frontières, le 24 avril à Paris, avait dégénéré. Blessé par le personnel de l'ambassade cubaine, le journaliste indépendant Ricardo Vega saisit la justice

Le mari de l'écrivaine cubaine Zoé Valdés, Ricardo Vega, a porté plainte contre X... pour "violences volontaires", vendredi 25 avril, à la suite de la manifestation qui était organisée la veille par Reporters sans frontières (RSF) devant l'ambassade de Cuba, rue de Presles, dans le 15e arrondissement, à Paris, pour protester contre la vague de répression castriste.

Réalisateur et journaliste indépendant de nationalité cubaine, exilé à Paris depuis 1995, M. Vega filmait la manifestation, à laquelle il participait, en compagnie d'un collègue, Jorge Masetti, lorsqu'il fut violemment frappé au visage, dans la rue, hors de l'enceinte diplomatique, par l'un des employés de l'ambassade.

Examiné vendredi aux urgences médico-judiciaires de l'Hôtel-Dieu, le journaliste au visage tuméfié souffre, notamment, d'une fracture faciale à proximité de l'œil gauche "entraînant une interruption temporaire de travail de quinze jours".

Sur son film vidéo d'une dizaine de minutes destiné aux chaînes américaines en langue espagnole Telemundo et Univision, dont ont été extraits plusieurs tirages, le journaliste a identifié son agresseur. Selon des témoignages, notamment recueillis par RSF, l'ambassadeur de Cuba en France, Eumelio Caballero Rodriguez, apparaît sur ces images dans la rue, en chemise, parmi le personnel de l'ambassade, alors que certains distribuent des coups de poing aux manifestants et que d'autres arborent des barres de fer, des masses ou une ceinture en guise de fouet.

La plainte de Ricardo Vega, enregistrée par la police vendredi, devait être transmise lundi 28 avril au procureur de la République de Paris.

Par ailleurs, la crainte de représailles s'amplifie chez les exilés cubains, dont certains font état de menaces, notamment de la part d'employés de l'ambassade aperçus lors de la manifestation.

Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, lui-même frappé à la tête et aux parties génitales, a indiqué qu'il envisageait, sur la base des violences constatées, de porter plainte à son tour, "quoique RSF, jusqu'à présent, ne l'ait jamais fait". Au cours de l'échauffourée, un autre membre de RSF, Régis Bourgeat, qui tentait de s'enchaîner aux grilles de l'ambassade, a été frappé sèchement à la tempe. "Nous avons été agressés par du personnel diplomatique, sur la voie publique. C'est inadmissible, estime M. Ménard. Nous étions venus pour un acte symbolique-remettre une lettre à l'ambassadeur et, en l'absence de réponse, cadenasser les grilles de l'ambassade-.Ce qui a suivi a dépassé le symbolique."

Centrée sur les condamnations d'une trentaine de journalistes à de lourdes peines de prison, la manifestation de RSF entendait plus largement protester contre l'aggravation de la répression à Cuba après les récentes exécutions sommaires de trois responsables d'un détournement de ferry et la vague de condamnations de 75 dissidents arrêtés le 18 mars, accusés d'"actes de trahison au service d'une puissance étrangère" et de "subversion" : une opération apparaissant officieusement comme destinée à décapiter l'organisation de la dissidence, après qu'une pétition de plus de 11 000 signatures, déposée le 10 mai 2002, eut été déposée devant l'Assemblée nationale cubaine pour réclamer des changements démocratiques.

Dans un communiqué consultable sur le site Internet du journal officiel cubain Granma, l'ambassade de Cuba en France a rapporté de son côté qu'"un groupe de contre-révolutionnaires d'origine cubaine, liés aux organisations terroristes de Miami, plusieurs membres de RSF et des journalistes de la presse nationale et étrangère ont organisé de manière illégale une provocation" contre l'ambassade, et qu'ils ont "agressé physiquement une citoyenne cubaine résidant en France". L'ambassade précise qu'elle a "notifié les faits au ministère -français- des affaires étrangères".

 

Jean-Michel Dumay


Le régime cubain sermonné par le pape

 

Dans une lettre à Fidel Castro, rendue publique à Rome, samedi 26 avril, le pape a condamné l'exécution capitale de trois preneurs d'otages, le 11 avril, à Cuba. Il réprouve également les procès sommaires et non publics contre quelque 80 dissidents condamnés à de lourdes peines de prison. La lettre demande à La Havane "un geste significatif de clémence" et prône une " confrontation sincère et constructive entre les citoyens et les autorités civiles", afin de "garantir la promotion d'un Etat moderne et démocratique". Dès le 11 avril, la Conférence des évêques de Cuba avait fermement condamné la peine de mort infligée aux trois preneurs d'otages à la suite d'" un procès judiciaire sommaire".

En février 1998, une série de 300 prisonniers d'opinion avaient été libérés suite au voyage de Jean Paul II à Cuba le mois précédent.

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 29.04.03

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