Alain Lambert suggère des pistes de réforme de l'impôt de solidarité
sur la fortune. Il parlait "à titre personnel", assure son cabinet.
par Claire Guélaud
Le Monde
13 Juillet 2002
Après
le terrain miné des baisses d'impôt et celui de l'emploi dans la fonction
publique, le ministre délégué au budget, Alain Lambert, a pris le risque
d'évoquer un nouveau sujet sensible : l'impôt de solidarité sur
la fortune (ISF). Dans un entretien accordé à La Vie financière et publié
vendredi 12 juillet, M. Lambert suggère, en effet, trois pistes de réforme
de cet impôt que le gouvernement de Michel Rocard (PS) avait créé en
1989 et que celui d'Alain Juppé (RPR) avait durci en 1995.
Interrogé
par Le Monde, le cabinet de M. Lambert indiquait, vendredi dans la soirée,
qu'"aucune initiative n'avait été lancée ni aucune commande gouvernementale
passée sur une éventuelle réforme de l'ISF".Les trois pistes évoquées
par le ministre délégué au budget ne constituent donc pas des propositions.
Mais elles illustrent la manière dont M. Lambert, qui fut président
de la commission des finances du Sénat, aborde, "à titre personnel",
cette question délicate.
En
réponse à La Vie financière, M. Lambert prend d'abord la précaution
de dire qu'il "souhaite un véritable consensus "multipartisan" sur une
éventuelle réforme de l'ISF". Il relève, ensuite, que "l'ISF est souvent
ressenti comme une punition" et que "la suppression du plafonnement
renforce ce sentiment".
Dans
sa forme actuelle, l'ISF est dû par les contribuables qui déclarent
une fortune d'au moins 720 000 euros. Le gouvernement Rocard avait prévu
que le cumul de l'impôt sur le revenu et de l'ISF ne devait pas dépasser
70 % du revenu. En 1991, ce plafond a été porté à 85 % du revenu. A
son arrivée à Matignon, en 1995, Alain Juppé avait alourdi l'ISF de
10 % et limité le plafonnement en décidant que les contribuables seraient
obligés de payer 50 % de l'impôt théoriquement dû à partir d'un certain
seuil de fortune déclarée (une quinzaine de millions de francs à l'époque).
Selon le conseil fiscal Francis Lefebvre, le durcissement de la législation
sur l'ISF a entraîné, à partir du milieu des années 1990, des départs
de contribuables vers des pays où n'existe pas d'impôt sur le capital,
comme la Grande-Bretagne, la Belgique, la Suisse et l'Allemagne.
A
propos de l'assiette de l'impôt, M. Lambert se déclare partisan de "revoir
la définition de l'outil de travail" susceptible, à son avis, de "freiner
la transmission des entreprises" et suggère de "réfléchir sur d'autres
actifs comme la résidence principale". "Vendre un bien pour payer l'ISF
est un non-sens", poursuit le ministre.
LES
RÉSIDENCES PRINCIPALES
Actuellement,
les propriétaires et dirigeants de sociétés sont exonérés du paiement
de l'ISF sur leur outil de travail s'ils possèdent 25 % du capital de
leur entreprise, ce pourcentage s'appréciant à l'intérieur du groupe
familial dont ils font partie. Mais un dirigeant qui passe la main cesse
d'être exonéré ou, s'il décide de vendre des biens professionnels, toute
sa fortune est alors prise en compte dans le calcul de l'impôt. Autant
de règles qui freinent la mobilité du capital des entreprises et leur
transmission d'une génération à l'autre, et que certains conseils fiscaux
proposent d'assouplir.
Quant
à la résidence principale, elle est une des sources essentielles de
l'ISF : 90 % des contribuables assujettis à cet impôt déclarent
une fortune comprise entre 720 000 euros et 1,4 million d'euros -leur
résidence principale entrant pour beaucoup, sinon pour l'essentiel,
dans cette fortune déclarée. Revenir sur l'intégration de la résidence
principale dans l'assiette de l'impôt viderait donc très largement l'ISF
de sa substance.
Claire
Guélaud