Pour la guerre
par Arno Klarsfeld
Je suis pour la guerre contre l'Irak parce qu'on m'a enseigné
au lycée que, si la France s'était dressée pour
empêcher Hitler en 1936 de remilitariser la Rhénanie, il
n'y aurait sans doute pas eu de seconde guerre mondiale.
Je suis pour la guerre contre l'Irak parce qu'on m'a aussi enseigné
qu'Edouard Daladier, rentrant de Munich, où il avait humilié
la France en signant cette paix qui sacrifiait la Tchécoslovaquie
et voyant la foule parisienne l'acclamer, avait glissé à
l'oreille du secrétaire général du Quai d'Orsay
: "Quels cons !"
Je
suis pour la guerre contre l'Irak parce que, si Saddam Hussein disposait
de l'arme atomique qu'il cherche par tous moyens à acquérir,
il l'enverrait aussitôt sur Tel-Aviv pour détruire l'Etat
d'Israël et la confierait à des terroristes pour la faire
exploser à New York.
Je
suis pour la guerre contre l'Irak parce qu'il est de l'intérêt
vital des démocraties d'imposer la démocratisation au
monde arabe par la force, comme les Alliés ont réussi
à le faire en Allemagne et au Japon.
Je
suis pour la guerre contre l'Irak parce que la paix entre Israéliens
et Palestiniens ne pourra émerger que d'une victoire totale contre
le terrorisme et d'une amorce de démocratisation du monde arabe.
Je
suis pour la guerre contre l'Irak parce que les dictatures agressives
et expansionnistes comme celle de Saddam Hussein règlent leurs
conflits externes comme elles règlent leurs conflits internes
: par la violence. Entre elles et les démocraties il ne peut
y avoir d'entente réelle.
Je
suis pour la guerre contre l'Irak parce qu'il devrait être du
devoir de la France de faire bloc derrière une nation qui lui
a permis de remporter la première guerre mondiale, de ne pas
devenir nazie, d'être dans le camp des vainqueurs à la
fin de la seconde guerre mondiale et ensuite de ne pas être subjuguée
par l'impérialisme soviétique.
Je
suis pour la guerre contre l'Irak au nom des droits de l'homme, parce
que Saddam Hussein est aussi le bourreau de son peuple et du peuple
kurde et qu'il a mis en place une terreur policière si efficace
qu'un renversement populaire ou même un putsch semblent impossibles,
sauf en cas de situation exceptionnelle, telle la guerre.
Arno
Klarsfeld est avocat.
Le
Monde
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.02.03