LA FRANCE ET LE RENOUVEAU DE L'ISLAM
par René SERVOISE, Ancien ambassadeur de France en Indonésie
Une mutation de notre nation est en cours, elle va se développant,
profonde, mais incontrôlée. Vraisemblablement, insoupçonnée
de l'immense majorité des Français.
Des centaines de milliers de familles musulmanes, originaires du Maghreb,
du Proche Orient et de l'Afrique noire - dont la religion, les aspirations
et les mœurs sont radicalement différents des nôtres
- vivent désormais sur notre sol. Le taux de fécondité
est supérieur à celui des familles européennes. Conséquence
? D'ici un tiers de siècle, la population de culture islamiste
pourrait être majoritaire chez les moins de quarante ans. "En
France, nous aurons entre 6 et 8 millions d'Arabes dans les années
2005 - 2010", annonce Edgar Pisani, Président honoraire de
l'Institut du monde arabe. Nous voici prévenus : il s'agit bien
d'une transformation radicale (politique, économique, culturelle
et sociale) de notre société.
Cette mutation est en cours au moment même, où, pour reprendre
l'expression de Toynbee "un prolétariat extérieur"
se constitue sur les rives méridionales et orientales de la Mer
Méditerranée. Cette armée de réserve s'explique
par le taux de fécondité de ces peuples par l'absence d'un
développement économique susceptible de leur assurer une
vie décente dans leur patrie. Or, en face, il y a la France, l'Italie,
l'Espagne et l'Allemagne, terres de mirage, hautement développées,
assurant des emplois, la gratuité de la protection sociale et de
l'éducation. Qui pourrait résister à l'appel de cette
"terre promise" ?
LA RE-NAISSANCE DE L'ISLAM
Au même moment, dans le monde entier, soulevé par d'immenses
espoirs, l'Islam connaît un renouveau sans précédent.
Il se réveille après une longue nuit, et a retrouvé
vigueur, pugnacité et ambitions. Du Maroc à l'Indonésie,
des Etats musulmans de l'Asie Centrale à l'Afrique noire, plus
d'un milliard deux cents millions d'hommes - jeunes par rapport aux peuples
vieillissant d'Europe - constituent une "communauté"
(Uma). Elle est transnationale, animée d'aspirations spirituelles,
revendications matérielles et ambitions politiques et, ici et là,
financée par les revenus du pétrole.
En France, jamais les vagues successives d'Italiens, Polonais, Juifs
d'Europe centrale, Espagnols et Portugais n'avaient posé des problèmes
d'intégration comparables. Pourquoi ? Leur appartenance au rameau
européen, leurs traditions religieuses et leurs ambitions à
plus de libertés individuelles, facilitaient leur assimilation.
Enfin - et ceci n'est pas la moindre raison - ces immigrants exprimaient
une volonté de partager le destin du peuple - français.
De s'y fondre. Or, l'intégration ne se décrète pas.
Pour se réaliser, deux volontés sont évidemment nécessaires,
elles doivent converger. Aujourd'hui, la situation est différente.
Radicalement différente Une minorité active et déterminée
parmi les Islamistes refuse l'intégration. Délibérément.
En communion intime avec l'Islam (sa matrice), elle est réceptive
aux mots d'ordre de l'étranger, conseils spirituels, idéologie,
appuis financiers. Et bien davantage. Non seulement elle entend maintenir
son identité, mais réislamiser les non pratiquants, sinon
convertir à la vraie religion les indigènes du pays d'accueil.
L'Islam ne s'est jamais conçu comme minoritaire dans un Etat laïc,
mais comme religion nécessairement majoritaire, comme le rappelle
aujourd'hui Soheib Bencheikh, mufti de Marseille. Comme l'annonçait,
dès 1970, le Président Alija Izetbegovic, dans sa "Déclaration
Islamiste", avant de transformer la Bosnie en "Iran des Balkans".
Exalté par son renouveau, propulsé et par sa démographie
et par son absence de développement économique, s'insinuant
partout où il ne rencontre pas de résistance, l'Islam avance
comme une vague.
Au nombre de mosquées se multipliant sur leur territoire (parfois
avec l'assistance des hiérarchies catholique et laïques),
mosquées animées par des imams à 96% de nationalités
étrangères, les Français peuvent en mesurer la vitalité.
Egalement à la perspective de voir - dans la seconde moitié
du XXIème siècle - le catholicisme rétrograder en
France au second rang, pour abandonner à l'Islam la première
place.
Ainsi, deux dynamiques vont se développant : l'une à l'intérieur
de nos frontières (accroissement du nombre de Musulmans) ; l'autre
à l'extérieur (renaissance de l'Islam). Concomitantes et
convergentes, ces évolutions sont déterminantes pour l'Europe,
et pour la nation françaises dont la stagnation démographique
est alarmante.
MANE - THECEL - PHARES
Chaque nation s'exprime par une subtile, délicate et secrète
balance entre rêves, ambitions et forces parfois contraires, transcendés
par une aspiration commune à vivre ensemble et à réaliser
ensemble de grandes choses. Cette identité nationale, est pour
les uns, son âme ; pour les autres, son génie. Chaque nation
est une plante aux racines nourries par un terroir et une Histoire, la
fierté de son passé. "Immédiate au coeur de
Dieu", elle est unique et par là justifiée. Combien
de siècles, de guerres, de concessions, de sacrifices et d'oublis
furent nécessaires pour permettre - finalement - à la France,
l'Angleterre, l'Espagne et l'Allemagne de surmonter leurs divisions internes
afin de devenir ce qu'elles sont !
S'il convient - comme le recommande Montesquieu - de toucher d'une main
tremblante aux institutions, que dire du respect à manifester à
l'égard de l'harmonie en profondeur de notre nation ? De sa composition
interne - gage de sa permanence et de ses performances. Aux leçons
tirées de notre passé, le présent vient chaque jour
multiplier les avertissements pour l'avenir. Comment se laisser aveugler
au point de ne pas voir (les mêmes causes produisant les mêmes
effets) la prolifération et l'exaspération des conflits
ethniques et religieux tout autour de nous ?
En Asie : Sri Lanka ; en ex-Palestine (Juifs et Musulmans) en
Turquie (Arméniens, Kurdes) ; au Cachemire ; en Chine, (Sinkiang
Tibet) ; en Indonésie (Timor, Moluques, Bornéo, Irian Java).
En Afrique: Nigeria et Soudan (Musulmans et chrétiens)
;Rwanda.
En Europe : à nos portes, Chypre et ex-Yougoslavie (Bosnie,
Kosovo, Macédoine).
Et nous, Français, après avoir dominé tant de frondes,
insurrections et révolutions, liquidé nos querelles entre
Catholiques, Protestants, Israélites et Libres penseurs ; entre
nobles, bourgeois et prolétaires, nous laisserions se créer
les conditions propres à des déchirements ?
Attention. Faute pour les Français autochtones d'être les
plus nombreux nous voyons nos jours comptés. Faute de limiter le
nombre d'immigrés : nous serons jugés trop légers
dans la balance de l'Histoire. Faute d'affirmer une ambition nationale
: nous préparons l'éclatement de notre nation.
Souvenez-vous. Un jour, à Babylone sur le mur de son palais,
Balthazar vit s'inscrire, an lettres de feu, trois avertissements : MANE
- THECEL - PHARES. Le prophète Daniel les traduisit :
"Dieu a compté tes jours".
"Tu as été jugé trop léger dans la balance
de l'Histoire".
"Ton royaume est voué à l'éclatement".
Pour nous, aujourd'hui, les avertissements viennent s'inscrire quotidiennement
sur les écrans de nos télévisions. Mais, aucun prophète
n'ose les traduire.
Quelle France, lectrice, lecteur, entendez-vous léguer à
vos enfants ?
René SERVOISE