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Women in govt? Haha, say Taliban members

Envoyé par Pierre Jean Comolli 
Ce grand moment a eu lieu l'an dernier. Les Talibans, en un sens, en riaient d'avance de toutes ces questions à venir, imbéciles et insensées de leur point de vue.

Dans la Société contre l'Etat, Pierre Clastres demande : "De quoi les Indiens rient ?" Et il répond : de ce qui leur fait peur.

Les Talibans rient du discours universel des droits de l'homme. Un discours du semblant (Lacan) qui est tout sauf universel mais occidental, et qui peut-être leur fait peur d'être à ce point incompréhensible.
"Vous avez l'heure, nous avons le temps", disaient, taquins, les Talibans aux Américains, dixit le sniper qui tua Ben Laden.

Les Talibans seraient-ils les sunnites les plus sophistiqués, les rapprochant davantage de leurs voisins iraniens, chiites, que pakistanais ?

O. Roy, qui ne dit pas que des conneries, du type "le djihadisme est un épiphénomène", souligne aujourd'hui dans la presse que les Talibans sont de retoutables négociateurs, d'une patience à toute épreuve. (J'ai vu plus d'une fois et de très près les délégations diplomatiques syrienne et iranienne rendre folles leurs homologues occidentales.) Étonnant tout ça...
Moi, se sont les délégations chinoises, que j'ai vu rendre fous les Occidentaux dans les négociations. De manière générale, les Orientaux ont le don de nous rendre fous dans les négociations. Et il est bien exact que la "notion de temps", qui n'est pas la même là-bas (vaste là-bas!) use les nerfs de l'Occidental à garde-temps mécanique et linéaire.

L'Occidental va devoir prendre son mal en patience avec ces gens (Islam et Chine). Mais qui sait si, au fil d'un pas de temps multiséculaire, la sagesse ne finira pas par lui venir: perdre au présent, perdre le présent a cette vertu de tuer l'impatience.
À l'ONU, les diplomates chinois rendent aussi fous...les interprètes ! Ils parlent très peu en plénière et surtout attendent que ces derniers aient terminé de "traduire" chaque phrase avant de prononcer la suivante. Tout le monde est à cran : peur que la délégation chinoise se plaigne que ses déclarations, pourtant savamment insipides, aient mal été restituées et stress que la réunion dure une éternité.
Là, me revient à l'esprit la seule vantardise que ne commit jamais ce soldat du socialisme français qu'était Beregovoy (d'origine idéalement russe) : il était, disait-il à la nouvelle génération du PS, imperturbable pendant les négociations avec les corps intermédiaires, négociations à l'issue desquelles il faisait plier ses vis-à-vis sans avoir jamais faibli ou eu de mouvement d'humeur. Sur ces questions, je me souviens aussi d'avoir lu que le philosophe William James, lui, lors d'un voyage de jeunesse au fin fond du Brésil, avait été effaré par l'absence d'impatience des sauvages ! Lui, le futur empiriste, l'Américain pris dans le rythme irrésistible de la construction du nouveau monde et de ses hommes nouveaux, entre deux épisodes dépressifs, ne tenait pas en place et ne comprenait pas le détachement et le rapport impavide des locaux au temps qui passe.
Le temps long aime les perdants. Phénomène à rapprocher du "bourreau qui se fatigue plus vite que sa victime". Le temps n'a jamais appartenu aux gagnants. Au fond du trou, on peut durer longtemps ne serait-ce que parce que l'on sait que l'on n'ira pas plus bas, c'est très différent au sommet, où le moment où l'on commencera à tout perdre n'est jamais bien loin.

Salauds de perdants, qui prennent tout leur temps pour nous narguer du fond de leur abîme !

C'est là aussi que l'on comprend que le Christianisme ("les derniers seront les premiers", etc.) et son schème eschatologique efficace, n'est qu'une branche égarée de la sagesse orientale qui a marcotté dans le terreau grec.
24 août 2021, 21:34   Le sens de la propriété
» Les Talibans rient du discours universel des droits de l'homme. Un discours du semblant

En réalité, beaucoup plus un discours du devoir-être, je crois... Comme si les Talibans n'avaient pas le leur, de devoir-être, chevillé à leur tête de mule !
C'est devoir-être contre devoir-être, Pierre Jean ; à tout prendre, je préfère de beaucoup celui des Occidentaux : gardons donc plutôt les droits de l'homme.

William James, le pragmatisme fait homme, aurait de plus probablement ajouté qu'il ne faut voir là aucune vérité plus vraie qu'une autre, seulement l'ensemble des conséquences pratiques résultant du choix de certain mode de vie qui conviendrait le mieux à ce que vous êtes, ou quelque chose comme ça...
Bien d'accord, Alain, gardons les droits de l'homme et, surtout, cessons d'en faire une religion ou une formule magique qui bonnifierait la "personnalité de base" (Kardiner) musulmane ou chinoise. Et vous faites parler Spinoza à travers W. James, en tablant sur la meilleure des hypothèses, la naturelle : les Talibans sont comme ça et, par conséquent, ils auraient tort de vivre en désaccord avec cet être qui les caractérise. Et quand une jolie idiote, infoutue de les laisser vivre, vient leur jeter les droits de l'homme à la figure, presque malgré eux, ils gloussent. Après, s'il est un peuple afghan qui ne veut plus de cette émanation talibane de lui, il sera toujours temps de voir si nous pouvons l'aider à se libérer, au nom de la perception (c'est intolérable) plutôt que de la morale (c'est mal). C'est parti moyen, semble-t-il, le fils Massoud n'étant même pas assuré du soutien populaire de la province qu'il revendique... Mais enfin, pour l'heure, chacun sa merde comme on dit laidement.
"Salauds de perdants, qui prennent tout leur temps pour nous narguer du fond de leur abîme !

C'est là aussi que l'on comprend que le Christianisme ("les derniers seront les premiers", etc.) et son schème eschatologique efficace, n'est qu'une branche égarée de la sagesse orientale qui a marcotté dans le terreau grec."

Ah, un Marche inspiré... Ça n'a pas de prix. Je serai toujours étonné par l'efficacité d'un remontant pour le moral que possèdent certaines pensées ou formulations de l'esprit. Le moral : le mien est actuellement touché par divers soucis, et de surcroît je séjourne à contrecœur en Égypte, pays dont l'intérêt et les splendeurs ont été complètement ensevelis par la généralisation vraiment monstrueuse d'un mode de vie musulman toujours plus marqué, laid et bête. J'y reviendrai peut-être.
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