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Com. n° 2072, 27/X/ 2022, Sur la mort de Pierre Soulages

Envoyé par Renaud Camus 
Communiqué n° 2072
jeudi 27 octobre 2022
Sur la mort de Pierre Soulages

Le parti de l’In-nocence salue avec respect au moment de sa mort, à cent deux ans, l’art et la figure de Pierre Soulages, qui fut un des rares artistes français de sa génération à imposer dans le monde, aussi bien qu’en la plus profonde France, son nom et sa manière. Confronté à l’exigence de silence et de retrait imposée par les camps de la mort, il est un de ceux qui en auront donné l’expression la plus haute, la plus grave et, ce nonobstant, la plus amie de la lumière, sensuelle et moirée.
J'avoue n'avoir jamais établi de lien entre la peinture de Soulages et les camps de la mort, du moins de façon évidente ou particulière, encore qu'en fait, pas du tout : c'est peut-être, probablement, quelque chose que je ne savais pas et à quoi je n'aurais pas pensé.

Toujours est-il que s'il était question de figurer ou représenter chromatiquement les camps, ce ne sont pas des nuances de noir qui me seraient venus à l'esprit, mais l'effacement presque total de toute coloration, la décoloration, quelque chose comme un neutre chromatique réalisant la transparence de ce qui est en train de s'effacer. Primo Levi évoque souvent, parlant des musulmans d'Auschwitz, leur diaphanéité progressive et, littéralement, le fait qu'on ne les voyait plus, ou voyait à travers eux, vivants inexistants.
Dans La Trêve, me semble-t-il, livre qui relate le retour en Italie après la libération et qui suit immédiatement Si c'est un homme, il y a à la fin du livre le récit d'un rêve récurrent qu'il fit, alors qu'il était déjà rentré à la maison et avait retrouvé sa famille : il rêvait que tout cela, la libération et le retour, n'étaient que le rêve, et qu'en réalité il se trouvait toujours dans le camp, qu'il n'en était jamais sorti, qu'on ne pouvait en sortir, dans le réel, que le camp était tout ce qui existait, et que donc il se retrouvait là-bas à la place qui de tout temps avait été la sienne, dans une journée d'automne par une pluie battante où tout, absolument tout être, s’entremêlait et se fondait dans une atroce grisaille atone et translucide.
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