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M.
du S. : Oui, eh bien c'est
là que j'ai beaucoup de mal à vous suivre
D'abord il me semble que vous
donnez beaucoup d'importance à Guillaume Durand,
R. C. :
ah, il est un de ces traducteurs, médiateurs, "exprimeurs",
dont nous parlions plus haut
M. du S. :
mais surtout pourquoi les Doors, pourquoi tel ou tel groupe rock,
ou punk, ou funk, ou de rappeurs, ou de R and B, pourquoi auraient-ils
quelque chose à voir avec votre supposée dictature
de la petite bourgeoisie, quand bien même nous admettrions qu'elle
existe ? Nombre de ces groupes, la plupart peut-être, la presque totalité
s'agissant du rap, sont politiquement subversifs, socialement anarchistes,
ou l'inverse, anti-bourgeois et plus encore anti-petit-bourgeois, dans
la mesure où la petite bourgeoisie, corrigez-moi si je me trompe, est
plutôt marquée, traditionnellement, par une soif de respectabilité, et
par l'imitation, en général médiocre, voire pathétique, ridicule, désespérée,
des rites, des modes, des formes et des pratiques de la bourgeoisie ou
de la classe cultivée quelle qu'elle soit. La petite bourgeoisie en musique,
ce serait plutôt des gens comme André Rieux, je ne sais pas, Pavarotti,
Rondo Veneziano, Arvo Paart
R.
C. : Il est vrai que le concept
de petite bourgeoisie, si concept
il y a, doit être nettement élargi et révisé pour figurer de façon significative
dans le tableau que je m'efforce de dresser. Aujourd'hui, il y a beau
temps que la petite bourgeoisie n'est plus une classe en attente de pouvoir,
une sous-bourgeoisie impatiente de succéder à la bourgeoisie et, in the meantime, l'imitant comme elle peut, avec un sentiment
d'incapacité, d'infériorité et de honte, combattu par un effort obstiné
vers la respectabilité. Cette petite bourgeoisie-là a vécu. La petite
bourgeoisie d'aujourd'hui est une classe triomphante, au contraire, puisqu'elle
est la classe unique, et qu'elle n'aperçoit qu'elle-même dans tous les
miroirs, surtout ceux que lui tendent les médias. Elle voit bien que même
les riches, les très riches et les infiniment riches, même les très puissants,
même les princes (ne reparlons pas de la princesse Diana, mais songez
à la dynastie de Monaco ; et remarquez que le prince des Asturies, comme
par hasard, épouse une journaliste, mieux, une présentatrice
de télévision, c'est-à-dire le comble de la petite bourgeoisie, mais
touché par la célébrité), même les fameux people
de la presse petite-bourgeoise
(mais y en a-t-il d'autre?), ne sont que des petits-bourgeois comme les
autres, à ceci près seulement qu'ils sont très riches, ou très fameux.
Nous avons déjà parlé de ça. La petite bourgeoisie n'éprouve aucune honte
- hélas, faut-il sans doute ajouter, car
la honte, comme la syntaxe, comme la politesse, comme le civisme, comme
n'importe quel sur-moi, implique la reconnaissance d'une extériorité,
d'un détachement de soi, d'une non-coïncidence.
Or la petite bourgeoisie, je le répète, coïncide
exactement avec elle-même et avec elle la société, et elle n'imagine
pas d'instance extérieure à elle qui puisse lui faire honte de quoi que
ce soit. À l'extérieur elle sait bien qu'il n'y a qu'elle-même, le pareil
de son même, et que donc il n'y pas d'extérieur. Voyez par exemple l'invraisemblable
grossièreté des gens qu'on interviewe dans la rue, pour la télévision,
lors de qui s'appelle je crois, non sans pertinence, des trottoirs : radio-trottoirs, télé-trottoirs, micro-trottoirs, je ne
sais plus. Voyez la dextérité avec laquelle la plupart d'entre eux manient
et savent exprimer en quelques secondes l'obsession scatologique nationale,
et comment ils expliquent tranquillement, naturellement, combien ceci
ou cela les fait chier, mais alors vraiment chier, et à quel point nous sommes
dans la merde. L'argot ne cesse
de gagner du terrain, il en passe de devenir langue officielle. On nous
expliquait le mois dernier, très officiellement, aux informations de France
Culture, que les toubibs de l'hôpital Percy de Clamart n'étaient pas
très confiants, quant au sort de Yasser Arafat. Et dans Le Monde on lit tous les jours que le gouvernement va
mettre le paquet sur ceci ou cela, ou qu'entre
les offres d'achat de tel ou tel groupe, y pas photo. Ne parlons pas de la façon de s'exprimer des ministres
.
M.
du S. : Vous dites que même
les people, même les milliardaires, même les
grands patrons de l'industrie et du commerce sont des petits-bourgeois,
R.
C. :
oui, socialement, culturellement, oui
Tout le monde est petit-bourgeois.
Les juges sont des petits-bourgeois, les avocats sont des petits bourgeois,
les généraux, les ambassadeurs, les journalistes, les professeurs, y compris
les professeurs d'université
M.
du S. : Vous faites allusion
à leur origine sociale ?
R.
C. : Non, non, bien sûr que
non : le système est en place depuis près d'un demi-siècle, en tout cas
depuis une génération au moins, qui fabrique des petits-bourgeois avec
des individus de quelque origine sociale que ce soit - ceux qui sont d'origine
petite-bourgeoise n'ont bénéficié que d'un peu d'avance, voilà tout. Quand
je dis que les magistrats, les avocats, les généraux, les ambassadeurs,
les médecins, les détenteurs de toutes ces fonctions qu'on avait l'habitude
d'associer presque par excellence à la bourgeoisie, sont des petits-bourgeois,
je ne fais pas allusion à leur origine sociale,
pas du tout, je fais allusion à leur état culturel, à leur condition
sociale personnelle, à leur vision du monde et
à leur langage bien sûr, qui, plus encore que leur tenue ou que leur costume,
est le reflet et le signe de cette vision du monde, bien sûr, mais surtout
en est l'instrument
Voyez les magistrats. Voyez les magistrats
instructeurs de cette sinistre affaire dites "des disparues de l'Yonne",
quand ils viennent témoigner au procès d'Émile Louis, alors que pour la
plupart, bien plus que témoins,
c'est accusés qu'ils devraient
être, accusés d'inimaginable négligence, pour le moins
On se rend compte
quand on les observe, quand on les entend, que le sort de dizaines d'êtres
humains, leur vie peut-être, leur sécurité, le souci que prend d'eux la
société, ou qu'elle ne prend pas de leur disparition, ou de l'horreur,
de l'horreur inimaginable, qui peut s'être abattue sur eux, tout cela,
qui n'est pas rien, dépend de tout petits fonctionnaires (socialement,
culturellement), de sous-sous-fifres en
fonction de fifres et même de chefs d'orchestre, de personnes auxquelles
on n'aurait jamais songé, il y a une génération ou deux, pour leur confier
des responsabilités pareilles ; et qui les détiennent, ou les ont détenues,
parce que leur classe, leur niveau socio-culturel, est au pouvoir (et
qu'il n'y en a pas d'autres). Et ce que je dis des juges, je pourrais
le dire des professeurs, aussi bien, des journalistes, des
M.
du S. :
oui, oui, oui,
je sais, des ambassadeurs, des généraux, des architectes
en chef des Monuments historiques, je vous ai lu, je sais tout cela.
Mais restons-en un instant aux juges, si vous voulez bien, aux magistrats
en général. Admettons un instant que vous ayez raison, quant à la "petite-bourgeoisisation"
- je crois que vous-même risquez ce néologisme - de la magistrature, ou
au moins d'une partie d'entre elle. Pensez-vous vraiment que les magistrats
d'autrefois, qui, eux, pour le coup, étaient des bourgeois, de vrais bourgeois,
barricadés dans leurs certitudes et sans doute dans leurs préjugés de
classe autant que dans leurs faux-cols, pensez-vous que de tels magistrats
faisaient nécessairement de meilleurs juges que ceux que vous accusez
aujourd'hui d'être des petits-bourgeois ?
R.
C. : Je ne les accuse pas,
je constate que dans leur immense majorité c'est ce qu'ils sont, oui.
M.
du S. : Bien. Mais ces magistrats
d'aujourd'hui, que vous traitez assez péjorativement de petits-bourgeois - et quelquefois (non pas au cours de cet entretien jusqu'à présent,
mais dans vos écrits), vous allez jusqu'à parler à leur sujet de leur
prolétarisation
R.
C. :
je ne me souviens
pas avoir parlé de la prolétarisation
des magistrats
M.
du S. : Non, c'était peut-être
de celle des médecins, ou des professeurs : la différence n'est pas bien
grande, en l'occurrence
Mais j'en reste à ma question : ces magistrats
d'aujourd'hui, s'il se trouvait, comme vous le soutenez, qu'ils soient
des petits-bourgeois en effet, en tout cas qu'ils ne soient pas des bourgeois
comme jadis, est-ce que vous ne pensez pas que ce pourrait être un
progrès, si grâce à cela ils sont moins éloignés de ceux qu'ils ont
à juger, s'ils ont au moins, au moins en
partie, un langage commun avec eux ?
R.
C. : Vous voyez, on en revient
toujours à l'exigence du même,
qui est l'exigence petite-bourgeoise par excellence. Mais je ne veux pas
être jugé par mes semblables, moi ! Pas nécessairement par mes supérieurs,
non, mais pas par mes semblables ! Mes semblables, en tant qu'ils sont
mes semblables, n'ont aucun droit de juridiction sur moi - de juridiction
contraignante, en tout cas. Ils peuvent avoir une opinion
sur moi, ils peuvent exercer à mon propos leur
faculté de juger, ils peuvent user à mes dépends de leur droit d'expression, mais ils n'ont aucun
droit à prononcer des arrêts, des sanctions, des peines, qui aient une influence directe et contraignante sur ma vie.
D'ailleurs je dépasserais à peine ma pensée si je disais que je ne veux
pas être jugé par des hommes, ou par des femmes. Je veux être jugé par la Justice, dont les hommes ou les
femmes ne sont que le truchement. Ce n'est pas en tant qu'ils sont M.
Machin ou Mme Chose qu'ils me jugent, qu'ils ont le droit de me juger;
mais en tant qu'ils sont le Président de la Cour d'Assise ou du Tribunal
correctionnel ; bref, en tant qu'ils remplissent des fonctions qui ne
se confondent pas avec eux ; en tant qu'ils tiennent un rôle,
bien reconnu comme tel. Mais en régime de dictature de la petite bourgeoisie
les fonctions et les personnes se confondent, les rôles et les êtres ne
font qu'un. Voyez la manie actuelle, si emphatiquement petite-bourgeoise,
justement, si contraire à la tradition française, d'appeler les gens par
leur nom de famille, à tout propos, Monsieur
Dubedout, Madame Taillefer, Monsieur Mortier. Le moindre journaliste aimerait mieux mourir que
de dire M. le Ministre, M. le Premier Ministre, M. l'ambassadeur, Madame la Présidente, il faut toujours qu'il dise M. de Villepin, M. Barasco, M. Ishmir, Madame Choé. Dans la banque, dans les bureaux,
partout, les employés portent leur nom sur la poitrine, quand ce n'est
pas leur prénom, leur seul prénom. Viktor Klemperer dans son journal et dans son LTI se plaignait
déjà de cette manie-là, au temps du nazisme.
M.
du S. : Vous n'allez tout
de même pas comparer votre dictature
de la petite bourgeoisie, même si dictature
il y a bien comme vous le prétendez, avec le nazisme !
R.
C. : Je ne vais pas comparer,
non, ou plutôt si, je vais comparer,
mais certainement pas assimiler. Je remarque néanmoins que toutes les
dictatures ont des points communs. Elles
répudient la forme au profit de la force. Elles écartent le droit, l'abstraction,
la distance, le détour, la syntaxe, le dédoublement, le rôle, au profit
du sens, du seul sens, de la coïncidence, de l'individu, c'est-à-dire
encore une fois de la force, de la seule loi du plus fort, non médiatisée.
M.
du S. : Ne m'en veuillez
pas, mais, là encore, je suis loin d'être sûr de ce que vous avancez.
Les dictatures, les totalitarismes, le nazisme, le fascisme, même le communisme,
se sont montrés extrêmement formalistes. Le formalisme n'est pas une protection
de la personne. Puisque nous parlons des magistrats et de la Justice,
souvenez-vous de ces palais de Justice écrasants du fascisme et du nazisme,
de ces procès aux mises en scènes incroyables, où les accusés sont réduits
au statut de petites choses minuscules, face au colossal appareil d'État
R.
C. : Les palais de Justice
que vous appelez écrasants sont loin d'être une exclusivité des totalitarismes.
D'ailleurs l'architecture fasciste d'ordre colossal est au moins autant
un trait d'époque que la manifestation de régimes particuliers. Son équivalent
soviétique est bien connu, et il ne laisse rien à désirer par rapport
à elle en énormité, en
M.
du S. :
vous ne faites que passez d'un totalitarisme à un autre !
R.
C. : Sans doute, mais si
l'on en juge par le palais de Chaillot, le Front populaire, que vous ne
taxerez pas de totalitarisme, ne voyait pas les choses
en beaucoup plus petit
M.
du S. : Les plans du palais de Chaillot, au moins, sont antérieurs au Front populaire,
je crois bien
M.
du S. : Probablement, mais
le monument a tout de même été voulu par la République française, par
un régime démocratique, parlementaire, dont peu importe en l'occurrence
qu'il ait été de droite ou de gauche.
M.
du S. : En plus ce n'est
pas un palais de Justice !
R.
C. : On n'aurait aucun mal
à trouver en France ou dans d'autres démocraties, en Angleterre, aux États-Unis,
des palais de Justice des années trente qui n'ont rien à envier en faste,
en massivité et en solennité architecturale avec les palais de Justice
des totalitarismes. S'il n'y a
pas davantage d'exemples, en France, d'architecture dite "fasciste"
- et il y en tout de même un bon nombre -, c'est surtout parce que le
régime républicain, à l'époque, était depuis longtemps dans ses meubles,
si je puis dire, et n'avait pas à s'affirmer dans sa nouveauté, dans son
originalité, dans sa rupture,
comme les régimes allemands, italiens ou soviétiques. Ajoutons que le
régime républicain français n'était guère, alors, dans une phase d'extension
et de démonstration de force, et qu'il n'avait guère les moyens de donner
libre cours à une démesure architecturale qui le titillait sans doute,
stylistiquement, autant que ses voisins. D'ailleurs, pourquoi se limiter
aux années trente ? De tout temps les palais de Justice ont montré par
leur solennité qu'en ces édifices ce n'étaient pas des hommes qui jugeaient
les hommes, mais que là avait cours un formalisme, une abstraction, un
langage tiers comme la syntaxe, en l'occurrence celui de la Loi, ou de
la Justice. Le plus colossal de tous les palais de Justice a été construit
à Bruxelles, dans la bourgeoise, libérale et pacifique Belgique, bien
éloignée vous en conviendrez de tout totalitarisme.
M.
du S. : Oui, encore qu'au
futur "Congo belge", à la même époque
R.
C. : Tous les régimes ont
leur torts, leurs péchés et leurs cadavres dans le placard. Il reste que
la Belgique qui a construit le palais de Justice de Bruxelles, le plus
écrasant de tous les palais de Justice, certainement, n'était pas, sur le
territoire belge, en tout cas , un totalitarisme ou une tyrannie. De toute façon je n'en réclame pas tant : je
ne dis pas qu'il faut du surhumain, du colossal, de l'écrasant à l'administration
de la Justice. En matière de formalisme judiciaire, la perruque des juges
britanniques me suffit, ou le salut des bobbies aux contrevenants au code
de la route, ou le vouvoiement des policiers français s'adressant aux
jeunes gens de banlieue, quand ils y pensent : tout ce qui marque, tout
ce qui signifie, que le détenteur d'une autorité quelconque, que ce soit
celle de juger ou celle de me réclamer mes papiers, n'est pas seulement
une personne ordinaire, un individu quelconque, M. Machin ou Mlle Claquemuche,
mais qu'il est aussi, qu'il est en même temps, un juge, une juge, un policier,
un douanier, peu importe : bref qu'il ne coïncide pas avec lui-même, qu'il
n'est pas lui-même, soi-même et rien d'autre - car son soi-même n'a aucun droit sur moi, ce n'est pas à son soi-même que je puis accepter
d'avoir affaire en qualité de prévenu, d'accusé, de suspect, de contrevenant,
de témoin, ou seulement de membre du public ; et en généralisant un peu
je dirais que ce n'est pas à son soi-même
que je puis accepter ou souhaiter avoir affaire en qualité d'élève, d'étudiant
ou de client de la banque
Mais vous m'avez troublé en faisant
allusion au formalisme judiciaire supposé des totalitarismes : je veux
bien que l'administration de la Justice ait pu être entourée de beaucoup
de pompe, sous les nazis ou bien au temps des procès de Moscou, et même
d'un écrasant formalisme affiché, mais c'était l'hommage du vice à la
vertu. La lecture du journal de Victor Klemperer, ou bien la seule vision des bandes d'actualité,
pourtant soigneusement éditées, des procès de Moscou, montrent bien que
ce n'est pas de formalisme,
qu'il faut parler, même si la prétendue justice, sous les nazis ou au
temps de Staline, pouvait être administrée dans des bâtiments grandioses
et selon des rites soigneusement arrêtés ; mais d'arbitraire, au contraire,
de pur arbitraire, où la force perce constamment sous la forme, et n'en
laisse rien subsister.
M.
du S. : Plus profondément, est-ce
que les grands formalistes, parmi les personnalités de la culture européenne
au XXe siècle, n'ont pas manifesté une étonnante prédisposition à s'accommoder
des totalitarismes, et même à en célébrer les mérites ? Je pense aux futuristes
italiens, je pense à Pound, je pense à Pessoa, dans une moindre mesure
à Eliot, beaucoup de grands inventeurs de formes qui souvent se sont très
gravement compromis avec le fascisme, le nazisme, le stalinisme, Salazar
et j'en passe ?
R.
C. : Formalistes et inventeurs de formes, ça ne veut pas dire
la même chose. Céline est certainement un grand inventeur de formes, et
il est certes très gravement compromis avec le pire des totalitarismes,
mais il ne viendrait à l'idée de personne de le considérer comme un formaliste. Les futuristes
italiens de sont pas des formalistes : ils célèbrent avant tout l'élan,
la vitesse, l'éclat, la force, la puissance non médiatisée. Pound n'est pas un formaliste, Pessoa non plus,
et d'ailleurs j'ai scrupule à les mettre dans le même sac, dans la même
phrase. Tout cela demanderait à être regardé de très près, et on trouverait
sans doute que parmi les formalistes incontestables aussi nombreux sont
ceux qui ont penché d'un côté que de l'autre, vers la liberté ou vers
la tyrannie. Les formalistes russes, qui sont les plus nettement étiquetés
de tous les formalistes, ne sont pas suspects de complaisance à l'égard
du stalinisme, dont la plupart d'entre eux ont été les victimes, au contraire.
Un Malevitch est une proie pour la tyrannie, il n'en est pas le complice
: accusé par elle de formalisme, c'est avec les instruments du formalisme
qu'il lui résiste comme il peut. De toute façon je ne plaide pour un quelconque
formalisme en soi, mais seulement pour la forme, et pour cette quintessence de la
forme qu'est la non-coïncidence
: non-coïncidence avec la personne, non-coïncidence
avec l'expression, non-coïncidence avec la force. Il y a beau temps que
j'ai renié pour ma part tout formalisme pur, et renoncé à la pratique
ou à la poursuite de formes qui n'amènent pas de sens, qui n'élargissent
pas l'expérience, qui ne sont pas les moyens de plus de justesse, sinon
de plus de justice.
Vous vous moquiez à l'instant des juges
bourgeois de l'ère bourgeoise, avec
leur raideur bourgeoise, et je veux bien croire qu'elle ait pu être pénible,
ou ridicule : mais ce que signifiait cette raideur, dans la tenue, dans
le discours, dans l'attitude sociale, c'était justement la non-coïncidence,
entre la personne et sa fonction. Aujourd'hui on voit de toute part les
rôles coïncider avec les individus qui les tiennent, chacun se vanter
à n'en plus finir d'être soi-même
en toute circonstance, même les plus officielles, et d'être venu comme il était. Un professeur, pas plus
qu'un juge, n'a à être lui-même,
lorsqu'il enseigne et lorsqu'il agit, ou paraît, dans une société où il
peut être perçu comme professeur. Sa soi-mêmité,
si j'ose dire, elle doit être cantonnée à sa vie privée. Quel pourrait être le fondement de sa légitimé et de son autorité
comme professeur si c'est lui-même, M. Michu, ou Michu Jean-Raymond, l'homme,
l'individu, celui qui est venu comme il était, attifé comme l'as de pique,
et parlant comme un amuseur de télévision, qui enseigne ?
M.
du S. : Mais dans une situation
où il s'agit d'amener à la culture et à la connaissance beaucoup d'élèves
qui par leur origine y sont souvent très étrangers, est-ce que vous ne
craignez pas que cette espèce de distance, de distanciation, que vous
recommandez, chez les professeurs - je sais que vous détestez qu'on dise
profs, et plus encore, peut-être, enseignants -, est-ce que vous ne craignez pas que cette distance
n'accroisse encore le sentiment, chez les élèves dont je parlais, qu'ils
sont étrangers à la culture, qu'elle ne les concerne pas, qu'elle n'est
pas faite pour eux, qu'elle est décidément trop éloignée ? Ou bien, pour
poser ma question autrement, ne peut-on pas envisager que ces profs auxquels vous semblez reprocher un certain relâchement de langage,
de tenue vestimentaire et d'attitude sociale, adoptent ces partis que
vous réprouvez justement pour aller au-devant
de leurs élèves, pour abréger la distance qu'il y a entre eux et la culture,
entre eux et la connaissance ?
R.
C. : Oh, je veux bien leur
reconnaître ces bonnes intentions, si vous voulez, même si je suis convaincu
qu'elles sont fourvoyées. Je suis
convaincu que c'est une erreur de vouloir toujours rapprocher l'enseignement
de l'enseigné. Ce n'est pas du même
qu'il faut prodiguer à l'élève. Le même il en
aura toujours assez. C'est le lointain qu'il faut lui apprendre à aimer,
le dissemblable, le non-coïncidant : le mot qu'il ne comprend pas dans
une phrase, le nom qu'il ne connaît pas dans une liste, le geste que lui
n'aurait pas fait dans une situation donnée, l'idée qui ne lui serait
pas venue, la tournure syntaxique, ou stylistique, que jamais ne lui aurait
dictée la simple expression de lui-même. L'art est lointain, la culture
est autre chose, la littérature ne nous parle pas de nous, ou bien, si
elle nous parle de nous, c'est par un détour à travers autre chose, l'autre,
un autre, un autre qui est la forme, les formes, la distance, l'écart
avec soi-même. On dit toujours des grandes liturgies religieuses, ou bien
des fastes du pouvoir, surtout du pouvoir monarchique, qu'ils sont du théâtre, des mises en scène de théâtre, des emprunts aux arts de
la scène. Mais c'est le contraire qui est vrai : c'est le théâtre qui
est un emprunt aux rites d'échange avec les dieux, même si cet échange
est fictif, et même s'il n'est en rien un échange. C'est l'art qui imite,
non pas tant la nature, que les protocoles inhérents à tout pouvoir dès
lors qu'il n'est pas la force pure, et d'abord inhérents au pouvoir sur
soi-même, sur les événements, sur la peur, sur l'horreur, sur l'injustice,
sur les émotions trop fortes. C'est la culture, c'est l'enseignement,
c'est l'éducation qui figurent en chacun de leurs modes, en chacune de
leurs inflexions, la sortie de soi, le décollement d'avec le moi, l'insoumission
au destin passif, l'inasservissement à la fatalité, que celle-ci soit
psychologique, économique, intellectuelle ou sociale.
M.
du S. : En somme vous recommandez
un enseignement aussi formalisé, solennel, pompeux, distant, que la tragédie
classique, ou que l'administration de la justice dans ces palais que vous
aimez tant
R.
C. : Non. Je n'irai pas jusque
là. Mais je crois en effet qu'il faut y
mettre des formes, pour enseigner - des formes tempérées par la gentillesse,
bien sûr, par la patience, la compréhension, l'attention particulière
; mais des formes, oui, des
formes spatiales sinon architecturales, du rituel, de la non-coïncidence
avec soi-même, j'en revins toujours à cela, que ce soit pour élèves aussi
bien que pour les professeurs. Vous savez que j'aime à parler de la lontananza de l'art, ce que je suis tenté de traduire par sa lointeur, ou sa lontanité, je ne sais pas, ces deux néologismes me plaisent beaucoup
tous les deux. Les professeurs doivent être des maîtres de lointeur, pas de proximité.
M.
du S. : Mais vous parlez,
avec une certaine exaltation, comme
s'il ne s'agissait que d'enseigner l'art, ou la littérature, ou la théologie
! Un enseignement ne peut pas se limiter pas à cela !
R.
C. : Un enseignement ne peut
pas se limiter à cela, non. Mais s'il veut produire des magistrats, des
avocats, des médecins, des ambassadeurs, des architectes, des ingénieurs
des ponts et chaussées, des chefs d'entreprise et bien sûr des professeurs,
des professeurs qui soient autre chose que des petits bourgeois et des
maîtres en petit bourgeoisisme, il doit prodiguer de la lointeur,
de la distance, de l'écart, de la non-coïncidence avec soi-même - en un
mot de la culture, et, pour être plus précis, de la culture générale. Pas nécessairement de l'art ou de la littérature,
ou plutôt si, très nécessairement
; mais pas seulement : de l'histoire, de la grammaire, de la géographie, de la philosophie, des mathématiques, des sciences,
de la conscience des niveaux de langage, bref de la culture générale, je ne trouve pas d'autre
expression, et celle-là me convient très bien.
La dictature de la petite bourgeoisie
se reconnaît à cela que la culture générale n'y a pas cours ; et que le
discours social s'y adresse à la méconnaissance, qui est un plein, et
pas à la connaissance, qui bien sûr est pleine de trous, de manques, d'écarts,
de sauts dans l'inconnu et au-dessus de lui, de nuit, d'espace pour l'avenir
et de non-coïncidence.
Qu'est-ce qui fait que tous ces magistrats
nouvelle manière, ces avocats, ces médecins, ces professeurs sont des
petits bourgeois, malgré leurs honorables fonctions, éminemment bourgeoises
? Qu'ils n'ont pas de culture générale, ce qu'on voit bien dès qu'ils
paraissent, et ce qu'on entend mieux encore à peine ouvrent-ils la bouche
ou tournent-ils une phrase, parce que la culture générale se traduit d'abord,
essentiellement, par un usage de la langue, un usage distancé de la langue, non-coïncidant
lui non plus. Ils n'ont pas de culture générale parce qu'ils ont reçu
de l'instruction, on veut bien
le croire, l'instruction nécessaire pour leur permettre d'occuper les
fonctions qu'ils occupent, mais ils n'ont pas reçu d'éducation.
S'ils n'ont pas reçu d'éducation c'est qu'il faudrait à la petite bourgeoisie,
pour en prodiguer, être capable de sortir d'elle-même, de se quitter,
de se renoncer un moment. J'ajouterais pour finir sur ce point que cette
instruction sans éducation, que nous voyons si largement répandue parmi
les détenteurs des fonctions principales de cette société, ne peut pas,
même en tant qu'instruction, être de très bonne qualité. Ne savoir que
la médecine ne fait pas un bon médecin. Ne savoir que le droit ne fait
pas un bon juge. Ne connaître que le journalisme fait un journaliste de
dernière catégorie. Ne connaître que la pédagogie fait d'exécrables pédagogues.
N'avoir étudié que la sociologie engendre d'ineptes observateurs de la
réalité sociale. Un architecte qui n'a appris que l'architecture, même
et surtout si elle fut mâtinée de sociologie, construit les cités que
nous avons sous les yeux, et où nous sommes menacés d'avoir un jour à
vivre, si l'étau de la dictature se resserre.
En régime de dictature de la petite
bourgeoisie on se retrouve avec des magistrats, des avocats, des médecins
et bien sûr des professeurs qui, en une large proportion, ne sont pas
de très bons magistrats, de très bons médecins ou de très bons professeurs,
parce que l'enseignement de masse leur a dispensé de l'instruction, laissons-leur
sur ce point le bénéfice du doute, mais pas d'éducation, pas de culture
générale - de sorte, accessoirement, qu'ils ne constituent pas un public
pour la culture, qu'ils ne forment pas une
classe cultivée.
M.
du S. : Mais vous ne parlez
que des magistrats, des avocats, des architectes, des ambassadeurs, des
médecins, des professeurs, c'est-à-dire très exactement des individus
que l'on considère, ou considérait
habituellement, comme étant des bourgeois,
et dont vous dites justement qu'ils ne sont plus des bourgeois, mais des
petits bourgeois,
R.
C. :
comme tout le monde,
oui.
M.
du S. : Tout le monde n'est
pas médecin, avocat, architecte, ingénieur, professeur, magistrat, etc.
Ces bourgeois dont vous dites que ce sont des petits bourgeois, ils sont
passés depuis trente ans par ce que vous appelez un peu abusivement l'enseignement de masse, et ils y ont plutôt
mieux réussi que les autres, puisque leurs diplômes leur ont permis d'occuper
ces fonctions qui sont généralement considérées comme enviables.
R.
C. : Ils y ont mieux ou moins
mal réussi que les autres, oui, en cela qu'ils y ont reçu une meilleure
instruction, mais, j'insiste, ils n'y ont pas reçu d'éducation, ou très
peu. Je crains qu'enseignement de masse et éducation ne soit incompatibles,
fondamentalement. Je crains que l'éducation, contrairement à l'instruction,
ne puisse être apportée à des enfants que par des parents, à des adolescents
ou des jeunes gens que par des maîtres choisis, ou qui les ont choisis,
des amants, des mentors, des modèles, des conseillers particuliers. Je
crains même qu'éducation et égalité n'aillent pas très bien ensemble -
et si c'était le cas, si cette hypothèse désagréable se vérifiait,
il y aurait eu quelque chose de vicié, d'aporétique, dès l'origine,
dans la conception même de ce projet d'enseignement de masse ; d'aussi
aporétique que la belle formule de Jack Lang, un
enseignement d'élite pour tous.
Ce qui m'incite à penser que malheureusement
il en va ainsi, c'est que s'éduquer, me semble-t-il, s'élever, se cultiver,
c'est se rendre inégal, et,
pour commencer, inégal à soi-même.
C'est aussi apprendre à percevoir entre les oeuvres, voire entre les
choses, les lieux, les circonstances et peut-être les êtres (et certainement
entre les artistes, les penseurs, les pensées) des différences de niveau
de qualité, de hauteur, de profondeur, qui sont forcément des inégalités.
Dans l'art, dans la culture, dans la
pensée, a fortiori dans le style, l'égalité n'est nulle part. Et un enseignement
de masse, qui se veut égalitaire même s'il est loin de l'être tout à fait,
se trouve bientôt pris dans une situation de contradiction impossible,
qui est celle où nous sommes enfermés. La petite bourgeoisie au pouvoir
est sans cesse obligée, pour ne pas se trouver trop gravement en contradiction
avec elle-même, d'affirmer, ou d'insinuer, que tout se vaut, ou de faire
comme s'il en allait effectivement ainsi (et Elton John est « un des plus
grands compositeurs de tous les temps »). Par délicatesse sociale, par
prudence politique, par souci de cohérence idéologique ou plutôt par besoin
de masquer les incohérences, elle est obligée de donner à entendre, jour
après jour, que toutes ces cultures particulières dont l'assemblage hétéroclite
font le tissu de son multiculturalisme bien aimé sont égales. Et si elles
sont égales il n'y a aucun moyen d'imposer et de transmettre les meilleures
d'entre elles, les meilleures parties d'une d'entre elle, ni quoi que
ce soit qui repose sur un principe d'excellence, de sélection, de patrimoine.
Comment la société petite-bourgeoise
pourrait-elle éduquer, de toute
façon, puisque éduquer, au moins
au-delà d'un certain point, c'est faire quitter la petite bourgeoisie
? Comment pourrait-elle éduquer des enfants petits-bourgeois (ou prolétaires),
puisque ce serait les inviter, dans une certaine mesure, à renier leurs
parents petits-bourgeois (ou prolétaires), à les désavouer ? Et comment
cette tâche pourrait-elle être accomplie par des maîtres petits-bourgeois
(ou prolétaires), qui devraient pour la mener à bien se renier eux-mêmes,
peu ou prou, se détacher de ce qu'ils sont, aller voir comment ça fait
du dehors, pour citer Ponge encore une fois, alors qu'ils n'ont pas d'idéal
plus sacré, au contraire, que d'être eux-mêmes en toute circonstance,
?
M.
du S. : Mais on croirait
toujours à vous entendre que s'éduquer, ce serait devenir bourgeois
! Vous parlez comme si être éduqué,
c'était être un bourgeois !
R.
C. : Ah non, pas du tout, quelle horreur ! S'éduquer ce n'est pas devenir
bourgeois ! Ce serait trop déprimant ! Devenir bourgeois, en revanche,
impliquait - oh, très imparfaitement, très approximativement - qu'on s'éduquât,
oui. Être bourgeois impliquait - non moins imparfaitement - qu'on fût
éduqué. Enfin, disons, a minima, qu'il n'y avait pas incompatibilité entre
éducation et bourgeoisie, ou bourgeoisisme.
Ma crainte est qu'il n'y ait relative incompatibilité, au contraire, entre
éducation et petite bourgeoisie, ou société petite bourgeoise, a fortiori
; ne parlons pas d'une situation où cette classe exercerait la dictature
!
M.
du S. : C'est à propos de
cette incompatibilité supposée, entre petite bourgeoisie et éducation,
entre petite bourgeoisie et culture, que j'essaie de vous amener, sans
grand succès jusqu'à présent, je dois le dire, à vous expliquer une bonne
fois. Je ne me décourage pas. Mais pour commencer - et là c'est au président
du parti de l'In-nocence que je m'adresse - : cette contradiction que
vous dénoncez
R.
C. :
que j'énonce, plutôt, que je crois
relever
M. du S. :
que vous
énoncez, soit, entre l'exigence sociale
d'égalité et la fondamentale inégalité impliquée selon vous par le concept
de patrimoine culturel, et donc de culture, et donc d'éducation, qu'est-ce
que vous prévoyez, vous et vos amis, pour essayer d'en sortir ?
R. C. : Là je ne puis que vous renvoyer
à notre programme, chapitre Éducation,
que d'ailleurs vous connaissez bien. Pour le dire d'un mot, notre objectif,
c'est un accès égalitaire à l'inégalité : faire en sorte que personne,
mais vraiment personne, et surtout
pas un enfant, mais un adulte non plus, ne puisse être empêché de faire
toutes les études qu'il peut faire, et qu'il veut
faire, par des contraintes matérielles, sociales ou culturelles - d'où
une abondance de bourses d'études de toute sorte ; et d'autre part, et
surtout, création d'un corps spécialisé d'éducation, une sorte de troisième
force, dite Éducation intermédiaire, entre l'éducation
générale et l'éducation professionnelle, spécialement chargée de tout
faire pour compenser, en cours d'études, les différences de niveau qui
seraient liées à l'origine, à la fortune, au handicap, etc. ; et d'assurer
qu'aucune situation éducative non désirée, non désirée par le sujet lui-même,
surtout, ne soit figée, définitive, irréversible. Cette troisième force
éducative, cette espèce d'escadron volant pédagogique, aurait pour mission
d'assurer, par exemple, que les élèves qui auraient la volonté et la capacité
intellectuelle de se maintenir dans les filières les plus exigeantes,
mais qui éprouveraient des difficultés particulières à le faire pour des
raisons culturelles, sociales, médicales et bien sûr économiques, reçoivent
l'assistance la plus étroite ;
et de même ceux qui seraient engagées dans des filières moins exigeantes
mais qui, à quelque point que ce soit de leur parcours, éprouveraient
le désir, et auraient la ferme volonté de rejoindre, les premières. C'est
ce que j'appelle égal accès à l'inégalité
M. du S. : Une sorte
de discrimination positive, en somme ?
R. C. : La discrimination
positive, c'est plutôt l'inégal accès à l'égalité, non ? Selon notre projet
il n'y a pas de dispense, il n'y a pas de passe-droit, les examens ne
sont pas dévalués, personne n'est admis nulle part sans avoir fait la
preuve de mériter de l'être, par son mérite, par ses capacités,
autant que n'importe lequel des autres admis. Tout le monde peut
en permanence bénéficier d'une assistance spéciale. À l'intérieur de ce
cadre-là, cependant, la sélection est rigoureuse, d'après le seul mérite,
la volonté et les aptitudes. Mais si vous voulez bien nous n'allons pas
nous lancer là-dedans maintenant, nous avons déjà assez
de pain sur la planche.
M. du S. : En effet
.
R. C. : Ces profs et enseignants dont
vous parliez il y a quelques instants, et qui adopteraient un certain
relâchement de langage, de tenue vestimentaire et d'attitude sociale dans
le dessein d'aller au-devant
de leurs élèves, je pense qu'ils tiennent surtout à être eux-mêmes, comme tout le monde, naturels,
voire nature : ils veulent s'épargner la peine
de sortir d'eux-mêmes, et désirent venir au lycée comme ils étaient, comme ils
sont, conformément aux idéaux ambiants, qui sont ceux-là même de la
petite bourgeoisie dominante, et selon moi dictatoriale.
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