Éditorial n°5. 17 juillet 2002 
        "Holisme" ? Education,
          immigration, délinquance,
          in-nocence 
         
        Le Monde, on s'en souvient, a mis vingt ans pour l'admettre 
          -et encore, entre guillemets prudents et dégoûtés 
          : « Il faut reconnaître la surdélinquance des jeunes 
          issus de l'immigration ». Seul le grand ébranlement consécutif 
          au 11 septembre a pu entraîner cet aveu, de même qu'il a 
          pu, dans la foulée, faire accéder enfin au statut d'information, 
          et de scandale, la grande vague d'attentats contre les synagogues, les 
          écoles juives et ceux qui les fréquentent : perpétrés 
          à un rythme soutenu depuis dix-huit mois, ces attaques d'une 
          gravité extrême avaient à peine été 
          relevées, et encore moins rapprochées les uns des autres 
          et subsumées sous la rubrique pourtant évidente d'un antisémitisme 
          qui ne pouvait pas être nommé, celui-là, puisqu'il 
          n'apparaissait pas là où il était convenable, et 
          prévu, qu'il apparaisse. 
        Le lien entre délinquance et immigration, ou plus exactement, 
          donc (pour prendre la sage précaution de parler comme Le Monde), 
          « la surdélinquance des jeunes issus de l'immigration », 
          non seulement ils ont été tus pendant deux décennies, 
          mais encore ils ont été expressément niés 
          avec la dernière insistance (on connaît les travaux fameux 
          d'un Laurent Mucchielli). Et surtout ceux qui se sont permis de les 
          évoquer, pour la simple raison qu'ils étaient l'évidence, 
          ont été traînés dans la boue (à moins 
          qu'ils n'y aient été déjà, pour d'autres 
          crimes). Il a fallu vraiment que cette évidence devienne si généralement 
          sensible qu'il n'y aurait plus eu que le plus parfait ridicule à 
          la nier encore pour que les Amis du Désastre consentent enfin 
          à la reconnaître. Il va sans dire qu'ils se sont bien gardés 
          de présenter les moindres excuses à ceux qu'ils avaient 
          couverts d'opprobre pour avoir énoncé des années 
          avant eux ce qu'ils proféraient enfin du bout du lèvres, 
          contraints et forcés. 
        Car c'est du bout des lèvres, toujours, et sous la seule contrainte, 
          qu'ils expriment les vérités embarrassantes, ou déplaisantes 
          (et celle-là l'est éminemment). Et l'on n'est jamais à 
          l'abri de retours en arrière, de leur part, de tergiversations 
          d'arrière-garde, de finasseries sociologico-statistiques; ni 
          même de dénégations rageuses, quand ils s'affolent 
          du terrain perdu. Même une fois que les choses sont dites -parce 
          qu'elles ne pouvaient plus ne pas l'être- , ils s'obstinent à 
          ne pas les voir, et à ne pas en tirer les conséquences. 
        
        On lit dans Le Nouvel Observateur, très en passant, que 
          les juges pour enfants de Bobigny, je crois bien, sont obligés 
          d'admettre, la mort dans l'âme, que près de quatre-vingt-dix 
          pour cent des fauteurs de trouble, parmi les "jeunes" de leur 
          ressort, sont "issus de l'immigration". J'ai cru lire qu'aux 
          Pays-Bas ces chiffres atteignaient quatre-vingt-dix-neuf pour cent; 
          mais je n'ai pas voulu y ajouter foi. Or c'est presque quotidiennement 
          que l'on rencontre des informations du même genre, et cela dans 
          la presse la mieux pensante (1). Il faut 
          seulement, pour collecter des données de cette sorte, ouvrir 
          un peu l'oeil, car elles ne sont pas montées en épingle. 
          Mais la vérité a cette vertu réconfortante de suinter 
          à travers les murs les plus épais. 
        On lit cela, on rencontre presque tous les jours des informations du 
          même genre, on n'a aucun mal à les voir confirmées 
          par l'expérience et par l'observation directe, personnelle. Mais 
          tout se passe comme si l'on avait rien vu, rien lu. De ces informations 
          ni de ces faits personne ne tire les moindres conséquences, et 
          surtout pas les gouvernants. 
        Ceux-là sont tout occupés à faire de nouvelles 
          lois pour tâcher de rétablir la sécurité. 
          Mais pas un seul instant ils n'opèrent un rapprochement entre 
          montée de l'insécurité et immigration. La montée 
          de l'insécurité, dans leur esprit, ou en tout cas dans 
          leurs discours, ce n'est que la croissance curieuse d'actes délinquants 
          individuels, ou perpétrés en bandes, à la rigueur. 
          Jamais ils ne font expressément un lien entre augmentation des 
          atteintes à l'ordre public d'une part, et caractères spécifiques, 
          pourtant patents, de sociétés où cohabitent étroitement 
          des groupes humains d'origines ethniques différentes, de traditions 
          dissemblables, de niveaux de développement économique, 
          social, et culturel inégaux; et les uns et les autres héritiers, 
          qui plus est, d'un lourd contentieux historique, générateur, 
          comme tout le reste, de rancunes et d'animosités. 
        Toute disposition sécuritaire qui ne tient pas compte des caractères 
          particuliers de la nouvelle société créée 
          par l'immigration, qui nie ces caractères-là et qui s'accommode 
          de cette nouvelle société en refusant d'apercevoir ceux 
          de ses traits qui sont hautement conducteurs de violence, toute pareille 
          disposition relève exclusivement, c'est triste à dire, 
          de l'emplâtre sur une jambe de bois. Elle est vaine parce qu'elle 
          ne reflète et ne prétend combattre qu'un fourmillement 
          fâcheux d'actes individuels isolés, sans signification 
          collective, là où sont très clairement lisibles 
          les prémices inquiétantes, sinon d'une guerre civile, 
          du moins d'une guerilla urbaine ou plutôt suburbaine. 
        Et ce que l'on peut dire à propos des problèmes d'insécurité 
          et de délinquance, on pourrait l'avancer tout aussi justement 
          s'agissant des problèmes de l'école et de l'éducation 
          en général. Il ne sert absolument à rien de faire 
          une cent-unième réforme et de publier des articles savants 
          et des rapports circonstanciés sur les moyens de sauver l'école 
          et de rendre au système éducatif son efficacité 
          perdue si dans le tableau que l'on dresse des sources de leurs maux 
          on ne donne pas à l'immigration de masse (2) 
          la place qui lui revient, et qui ne peut qu'aller croissant étant 
          donné le taux différentiel d'accroissement démographique 
          des populations issues de l'immigration par rapport aux populations 
          d'origine autochtone. Il va sans dire que ce n'est pas la même 
          chose d'apprendre aux enfants le français quand il s'agit de 
          leur langue maternelle et quand il est pour eux, ou pour leurs parents,une 
          langue étrangère. Et l'exemple de la langue peut et doit 
          être élargi à l'ensemble de la culture qu'on appelait 
          jadis nationale, qui désormais l'est si peu, et qui demain 
          le sera bien moins encore, égarée qu'elle gira parmi des 
          générations auprès desquelles, au mieux, elle ne 
          représentera plus rien, au pire un objet de mépris et 
          de vindicte. 
        Les questions relatives à l'insécurité ne sont 
          pas séparables de celles qui portent sur l'immigration et sur 
          l'éducation. Les difficultés qui affectent l'école 
          et l'éducation en général ne sauraient en aucune 
          façon être traités sérieusement sans référence 
          à l'immigration et à l'insécurité. Et l'immigration 
          elle-même, ni l'opportunité de sa poursuite, ne sauraient 
          être envisagées sans un regard objectif, dégagé 
          de tout préjugé (au moins dans la mesure du possible), 
          sur ses conséquences quant à l'ordre public et quant au 
          fonctionnement du système éducatif. C'est en une approche 
          "holiste" des problèmes que réside la seule 
          espérance de trouver pour eux des solutions. Mais cette espérance 
          est vaine tant qu'à cet "holisme" seront soustraits, 
          par un puritanisme idéologique dont les coûts pour la vérité 
          et les ravages pour la société ne sont plus à décrire, 
          des pans entiers du réel. 
        Loin de nous, cela dit, d'attribuer à la seule immigration de 
          masse la responsabilité de tous les maux qui affectent la société 
          française, ou l'ordre public seulement, ou l'éducation 
          nationale. Pour celle-ci, par exemple, il n'est pas douteux qu'elle 
          doive à sa propre massification -aggravée il est vrai 
          par l'immigration de masse- une part au moins aussi importante des difficultés 
          (c'est peu dire) qu'elle rencontre. Quoi qu'il en soit, à holisme 
          holisme et demi, si l'on peut risquer l'oxymore. Loisible à qui 
          veut de s'efforcer de voir plus large, de prendre en compte un plus 
          grand nombre de données, de remonter plus haut vers les sources. 
          Quitte à chercher les origines de l'origine de notre inconfortable 
          situation, le Parti de l'In-nocence, pour sa part (et son nom doit le 
          dire assez), a tendance a les apercevoir surtout du côté 
          d'une mécompréhension sans cesse aggravée -rousseauiste 
          d'inspiration, pour aller vite- de ce que c'est que l'innocence, 
          précisément : prise à tort pour première 
          et toujours déjà là, telle qu'il suffirait de la 
          dégager seulement, de lui laisser libre cours, de lui permettre 
          de s'exprimer; alors que de toute évidence, et très au 
          contraire, c'est la nocence qui est première, en société, 
          et c'est elle que l'éducation doit maîtriser progressivement. 
        
        Mais comment le pourrait-elle, pauvre éducation, dans un climat 
          aussi défavorable ? L'éducation, ce n'est pas seulement 
          l'école. Ce n'est même pas l'école d'abord. 
          L'école n'intervient qu'en second rang. Elle n'intervient qu'après 
          les parents, qui eux-mêmes sont baignés dans une idéologie 
          (même ce mot-là est trop flatteur, hélas, et trop 
          précis) qui rend impossible toute éducation, qui même 
          la sape et la nie d'emblée dans son caractère de processus, 
          puisqu'elle pose l'enfant comme étant avant tout porteur et détenteur 
          de droits, de droits qui font de lui, immédiatement, pour 
          l'adulte et pour le parent, non pas une pupille ou un objet de responsabilité, 
          et d'autorité, mais un égal. 
        Or l'égalité n'est pas plus première que l'innocence. 
          L'égalité n'est nulle part dans la nature. Rien n'est 
          égal dans le monde sensible. L'égalité est une 
          pure création de l'esprit -ce qu'écrivant je ne lui en 
          fais pas reproche, bien au contraire : j'ai bien des réserves 
          à l'égard du concept d'égalité, je serais 
          assez porté, sans l'écarter tout à fait, à 
          le confiner dans d'assez étroites limites (un droit égal, 
          pour chacun, à être inégal comme le veulent conjointement 
          la morale et l'esthétique); mais je serais bien le dernier à 
          lui reprocher d'être, à l'instar de l'in-nocence, un résultat 
          et non pas une donnée immédiate, un produit de l'intelligence 
          et de la volonté et non pas une grâce d'état. 
        Les publicités sont merveilleusement significatives, comme toujours. 
          On voit bien à les observer quel est l'enfant idéal. L'enfant 
          idéal, qu'il s'agisse d'un garçon ou d'une fille, est 
          avant tout un insolent, un insoumis. L'enfant sympathique des films 
          publicitaires, celui qui nous est donné en exemple, celui que 
          nous sommés d'aimer et d'approuver si nous voulons appartenir, 
          être conformes et nous-mêmes sympathiques, cet enfant-là 
          ne s'en laisse pas conter. Non seulement il est l'égal de ses 
          parents, bien souvent il leur est supérieur. C'est un petit être 
          merveilleusement adapté, qui comprend beaucoup mieux qu'eux le 
          monde tel qu'il est devenu. C'est lui qui leur explique l'ordinateur, 
          Internet, les règles des jeux, la mode, les styles. Il leur dit 
          quelle voiture il faut acheter, et quel genre de vacances il convient 
          de choisir. 
        Un tel enfant, il n'est pas question de l'éduquer. C'est 
          bien plutôt lui qui éduquerait ses parents, et qui apprendrait 
          aux adultes ce qu'ils doivent savoir. Il leur fait peur. Il suffit pour 
          s'en aviser de prendre le train, d'attendre dans un aéroport, 
          de visiter en groupe un musée ou un monument historique, d'observer 
          les familles de ses amis ou tout simplement, je suppose, d'en fonder 
          une soi-même. On voit qu'à la nocence, à 
          la pulsion nocente, il n'est rien opposé de sérieux. 
          Il va sans dire que je ne parle pas ici de meurtre, de viol collectif, 
          de vol à main armée, d'arrachage de sac à main 
          de vieille dame, de racket scolaire ou d'attaques physiques de professeurs. 
          Mais la nocence est tout un. Il n'y a là qu'une question 
          de degré. Je pense au bruit, au tapage, aux courses folles avec 
          tapement de pieds, aux pots d'échappement trafiqués sur 
          les mobylettes, aux grossièretés verbales, aux incivilités 
          : à tout ce qui peut être classé sous la rubrique 
          du "dérangement", de la nuisance, ce premier 
          degré de la nocence, cette entrée dans la vie nocente; 
          à tout ce qui rend le sujet, l'enfant, l'adolescent insupportable 
          -insupportable aussi le moment, et bientôt la vie des autres, 
          autour de lui. 
        Oh, les parents protestent un peu, en général. Mais ils 
          protestent comme on enseignait le latin, jadis, avant qu'on ne l'enseigne 
          plus du tout (et en effet, dans ces conditions là ça ne 
          servait à rien) : on enseignait le latin pour l'enseigner, pour 
          que l'enfant "ait fait du latin", nullement pour qu'il l'apprenne 
          et qu'il le sache. Et les parents de même protestent pour protester, 
          nullement pour empêcher. On voit bien qu'ils ne croient plus à 
          ce qu'ils font. Ils disent (en mettant les choses au mieux) : « 
          Coralie c'est la cinquième fois que je te demande de ne 
          pas toucher les tableaux ». Mais Coralie touche toute de même 
          les tableaux, elle laisse sur eux la trace de ses doigts tout juste 
          revenus du cornet à glace. Et pendant ce temps Brandon hurle 
          en paix, Jeremy beugle et Kevin fait le tour des salles en courant et 
          en sautant le plus fort possible, parce que c'est amusant que les sols 
          tremblent et les tableaux aussi; tandis qu'à l'extérieur 
          un de leurs aînés fait des tours et détours sur 
          sa petite moto gonflée à mort, celle-la même qui 
          lui servira cette nuit à réveiller les trente ou les trois 
          mille infortunés que toute la journée il aura empêché 
          de travailler, ou de rêver, ou de faire la sieste pour se remettre 
          de la nuit précédente. 
        Personne ne dit rien. Personne n'empêche rien. « Il faut 
          bien que jeunesse se passe ». « Ce sont des enfants, que 
          voulez-vous ». L'autre jour des enfants roumains, à dix 
          heures du matin dans une rue de Paris, étaient très occupés 
          à ouvrir les entrailles, très scientifiquement, d'un horodateur 
          de stationnement, pour en extraire les pièces de monnaie. Tout 
          le monde leur jetait un coup d'oeil en passant, personne n'a levé 
          le petit doigt (ni moi non plus, je dois le dire). Personne ne croit 
          à l'autorité, et encore moins que l'autorité puisse 
          servir à ouvrir, chez les enfants, l'interminable chemin qui 
          mène à l'in-nocence. 
        De toutes les sottises soixante-huitardes, qui sont au moins aussi 
          nombreuses, et plus durables, que les bienfaits qu'on doit à 
          l'événement, l'interdiction d'interdire est bien l'une 
          des plus sottes, et l'une de celles qui ont eu les conséquences 
          les plus profondes, et les plus graves. Même ceux qui n'y croient 
          pas y croient tout de même un peu; ou du moins ils y conforment 
          leurs attitudes, et d'abord à l'égard des enfants. L'enfant 
          se présente à eux, autant et plus que l'adulte, comme 
          un pur bloc de droits, dont ne les frappe en aucune manière la 
          contradiction immédiate avec les droits des voisins, et d'abord 
          les droits les plus élémentaires, le droit à la 
          tranquillité, le droit au silence, le droit à l'essor 
          personnel, le droit à la sécurité et au respect 
          de la propriété. 
        L'erreur a peut-être été, très en amont, 
          d'associer les droits à la "naissance". Les hommes 
          naissent peut-être, et demeurent, libres et égaux en droits, 
          mais ces droits qu'ils reçoivent dès le berceau (théoriquement), 
          ils ne les doivent ni à la nature ni à un dieu quelconque, 
          qui se fichent bien des droits pour autant qu'on puisse l'observer. 
          Ces droits, quand ils en jouissent, ils en jouissent à titre 
          héréditaire. C'est d'autres hommes qu'ils les reçoivent, 
          ce sont d'autres hommes qui les leur ont ménagés. Les 
          droits, et le droit lui-même, son concept, sont tout entiers une 
          construction de l'esprit, eux aussi; et parmi les plus hautes que l'humanité 
          ait produites. Ils sont le fruit de la volonté. A ce titre -et 
          on est embarrassé d'avoir à le rappeler après tant 
          d'autres- , ils sont tout entiers pétris dans la matière 
          même du devoir. Entre droit et devoir, il est impossible de démêler 
          ce qui est premier. Mais ce qui est évident, c'est qu'il n'y 
          a pas de droit sans devoir. Peut-être le droit fonde-t-il le devoir, 
          mais le devoir indubitablement fonde le droit. Devoir positif, bien 
          sûr; mais avant lui, et bien plus largement, devoir négatif, 
          c'est-à-dire l'interdit. Or l'interdit premier (3), 
          celui pour lequel ont été fondés le droit, la cité 
          et la citoyenneté, l'objet d'exclusion par excellence pour le 
          contrat social, c'est la nocence. 
        L'in-nocence ne peut pas être inculquée par des égaux. 
          Elle suppose une figure d'autorité, qui est d'abord celle des 
          parents. Les parents ne doivent pas être pour l'enfant des égaux, 
          des amis, des camarades, des copains. C'est pourtant ce qu'on 
          les voit être trop souvent, et cela dans les situations les plus 
          heureuses, qui en général ne le restent pas très 
          longtemps. L'initiation à l'in-nocence est une imposition de 
          la forme, et en tant que telle elle est une forme elle-même, un 
          détour, une contrainte, une médiation. L'évolution, 
          depuis quelques lustres, n'a pas précisément penché 
          de ce côté-là. Et sans doute on ne réclame 
          pas que les enfants vouvoient leurs parents et les appellent Monsieur 
          ou Madame, comme il y a deux ou trois siècles dans l'aristocratie, 
          ou dans certaines paysanneries. Mais entre ces extrêmes et les 
          excès inverses d'aujourd'hui, il semble qu'il y ait quelque marge 
          pour des aménagements souhaitables. 
        Les familles immigrées, pour leur part, donnent souvent l'exemple, 
          au moins quand elles arrivent, d'une autorité parentale beaucoup 
          plus marquée que ce n'est le cas dans la société 
          en général. Mais, outre que cette autorité fréquemment 
          se fourvoie, et va trop souvent dans le sens, surtout pour les filles, 
          d'un empêchement d'être et de connaître, ce qui n'est 
          nullement le but recherché, elle ne peut se maintenir bien longtemps 
          dans un contexte aussi défavorable que celui dans lequel nous 
          baignons. Si "holistes" sont les solutions, "holistes" 
          aussi, hélas, les problèmes. Et tels parents qui donneraient 
          à leurs enfants une éducation merveilleuse la verraient 
          gravement compromise par l'école, par la télévision, 
          par la rue et par l'air du temps. 
        C'est lui qu'il faut changer. "Holiste" entreprise, pour 
          le coup, et de fameuse envergure. Mais il y a des signes, des signes 
          -les témoignages d'une lassitude de ce qui est, voire d'un écoeurement, 
          et d'un refus. Ces signes et ces témoignages, il s'agit de les 
          multiplier; jusqu'à ce que le monde s'avise, autour d'eux, qu'ils 
          ont fini par se faire signe et qu'ils esquissent un sens. N'est-ce pas 
          ainsi qu'on passe d'une époque à une autre ? Est-ce autrement 
          que sont nés le Romantisme, ou la Modernité ? 
        
        (1) Il est de sage déontologie 
          de s'en tenir à elle, car on peut penser que les informations 
          qu'elle délivre alors qu'elles sont peu favorables au type de 
          société qu'elle soutient et qu'elle promeut, ces informations-là 
          sont incontestables. Si on les trouve en pareils médias (qui 
          sont les principaux et les plus répandus), c'est qu'elles étaient 
          vraiment impossibles à dissimuler. 
        (2) 
          On fera semblant ici de ne pas entendre le choeur innombrable de tous 
          ceux qui prétendent, ou qui croient sincèrement (à 
          force de prétendre ils finissent par croire sincèrement), 
          qu'il n'y a pas d'"immigration de masse". On supposera qu'ils 
          ne prennent jamais le métro, qu'ils ne descendent même 
          pas dans la rue, et surtout qu'ils de voient jamais une cour d'école. 
        
        (3) 
          Premier parmi les interdits profanes, laïques, civiques ou contractuels, 
          en tout cas; lesquels, il est vrai, sont tout mélangés 
          de sacré, historiquement.