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Trois questions à Claude Klein 

Le Monde du 13 juillet 2002

 

1 Vous êtes professeur de droit à l'Université hébraïque de Jérusalem. Les lois en vigueur en Israël sont-elles sources de discriminations envers les citoyens israéliens non juifs du pays ?

Il y a tout d'abord un effet symbolique : ces personnes ne sont pas inscrites comme "juives" dans le registre d'état civil. Ensuite, si elles ne relèvent pas expressément d'instances musulmanes ou chrétiennes, elles rencontrent des difficultés pour tout ce qui touche au droit personnel : mariage, divorce, enterrement. Le mariage civil n'existant pas en Israël, un immigrant russe non juif ou un Israélien juif laïque qui refuse la coercition du mariage religieux ne peut pas se marier en Israël, même si le conjoint est juif. Pour se marier civilement, il doit donc se rendre à l'étranger. Le mariage est ensuite reconnu en Israël. Ce blocage explique que de nombreux couples choisissent plutôt le concubinage; ce statut leur confère les mêmes droits que ceux des couples mariés.

2 La société et la législation israéliennes tirent-elles les conséquences de cette situation ?

Jusqu'à la grande vague d'immigration russe, Israël vivait dans une dichotomie : soit on était juif, soit on était arabe (musulman ou chrétien). Aujourd'hui, il faut prendre en compte de nouveaux groupes : les russes non juifs et les travailleurs étrangers qui, parfois, s'installent ici pour de longues périodes, s'y marient et y ont des enfants. Les premières brèches ont été ouvertes avec l'instauration, en 1968, d'un divorce "civil et laïque" -qui reste peu utilisé -puis, ces dernières années, avec la création de cimetières laïques, dits "alternatifs". La prochaine évolution touchera, à terme, au mariage. La possibilité de se marier civilement devra être introduite, même si, la demande n'est pas encore très importante.

3 Pour limiter l'arrivée de non-juifs dans le pays, certains demandent une restriction de la loi du retour, qui permet à toute personne ayant un conjoint, un parent ou un grand parent juif d'obtenir la citoyenneté israélienne. Est-ce la solution ?

Les partis religieux s'inquiètent de voir la société israélienne devenir de moins en moins juive et demandent de supprimer la loi du retour pour la deuxième génération, ce que l'on appelle la "clause du grand-père". Les partis de gauche sont plutôt contre et la droite est partagée. Dans le cadre du rapport de forces avec la population arabe, certains pensent qu'il vaut mieux continuer d'accueillir des immigrés d'Europe, même non-juifs. D'autres proposent de faciliter les conversions. Or, en Israël, le rabbinat orthodoxe n'accepte que quelque trois cents conversions par an, malgré des milliers de demandes. Enfin, un consensus apparaît sur la nécessité d'imposer un délai de quelques années avant d'accorder la nationalité israélienne, que les nouveaux arrivants obtiennent aujourd'hui dès leur arrivée.

Propos recueillis par Stéphanie Le Bars  

Article paru dans l'édition du Monde daté du 13 juillet 2002  

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